Nitrites, nitrates et alimentation : questions et réponses
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Les nitrates sont présents dans l’eau, les sols et les végétaux du fait de processus naturels liés au cycle de l’azote mais aussi d’activités humaines agricoles et industrielles (notamment l’épandage de fertilisants azotés ainsi que le rejet d’eaux usées par les industries laitière, chimique ou papetière).
Le consommateur peut y être exposé de deux façons à travers son alimentation :
- la consommation d’eau ou de végétaux dans lesquels les nitrates sont naturellement présents ;
- la consommation de produits de la charcuterie ou de fromage dans lesquels ils peuvent être ajoutés de façon intentionnelle en tant qu’additifs alimentaires.
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Les nitrites sont des substances qui proviennent de l’oxydation naturelle de l’azote. Le consommateur peut y être exposé de trois façons à travers son alimentation :
- principalement via la consommation de produits de la charcuterie dans lesquels les nitrites peuvent être ajouté de façon intentionnelle en tant qu’additifs alimentaires ;
- dans une moindre mesure via la consommation d’aliments dans lesquels les nitrates sont naturellement présents (légumes essentiellement), ces nitrates pouvant être transformés en nitrites dans les aliments ou dans l’organisme humain après ingestion, sous l’effet de bactéries buccales ;
- plus marginalement via la consommation d’aliments dans lesquels les nitrites sont naturellement présents, les nitrites sont ainsi présents en faible quantité dans la viande fraîche.
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Les nitrites et les nitrates préservent les produits de l’oxydation et présentent de nombreux avantages pour la conservation des produits de charcuterie et de salaison :
- Ils limitent la multiplication des bactéries pathogènes (en particulier Clostridium Botulinum, la bactérie responsable du botulisme, mais également Listeria monocytogenes, la bactérie responsable de la listériose ou les salmonelles) et contribuent à la stabilité microbiologique des produits ;
- Ils évitent le phénomène de péroxydation lipidique susceptible d’engendrer des composés pouvant favoriser le cancer colorectal ;
- Ils permettent de conserver le goût et la couleur (rosée) des produits ;
- Ils limitent le recours au sel (qui favorise les maladies cardiovasculaires) comme conservateur.
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L’utilisation de nitrites présente un intérêt sanitaire au plan microbiologique pour conserver les aliments (voir question précédente) mais est également un facteur de risque : certains composés nitrosés qui se forment lors de l’ingestion de nitrites et nitrates sont connus pour leur caractère cancérogène et génotoxique (pouvant endommager l’ADN). L’existence d’une association entre le risque de cancer colorectal et l’exposition aux nitrates et nitrites est confirmée par les études scientifiques. Il est donc important de limiter notre exposition comme le souligne l’avis de l’Anses de juillet 2022[1].
[1] Avis de l’Anses de juillet 2022 : https://www.anses.fr/fr/system/files/ERCA2020SA0106Ra.pdf
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La présence des nitrites dans notre alimentation provient principalement de leur ajout intentionnel par les fabricants en tant qu’additif alimentaire dans la charcuterie, que celle-ci soit artisanale ou industrielle. L’utilisation des nitrites en tant qu’additifs alimentaires représente entre 45 et 65 % de l’exposition totale des consommateurs aux nitrites, toutes sources confondues.
La présence des nitrates dans notre alimentation provient principalement de leur présence naturelle dans les végétaux et l’eau. L’utilisation des nitrates en tant qu’additifs alimentaires représente moins de 4% de l’exposition totale des consommateurs aux nitrates, toutes sources confondues.
Quatre additifs nitrés sont autorisés dans l’Union européenne et couramment employés en tant que conservateurs pour préserver la viande et d'autres produits périssables. Ils regroupent plus précisément les nitrites de potassium et de sodium (respectivement E249, E250) et les nitrates de sodium et de potassium (respectivement E251, E252). L’utilisation de ces additifs fait l’objet d’une attention particulière en raison de leur impact avéré sur la santé.
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Même s’ils présentent des risques, les nitrites et nitrates incorporés sous forme d’additifs dans les aliments permettent de limiter la multiplication des bactéries pathogènes et d’éviter la formation de composés susceptibles eux aussi de favoriser les cancers colorectaux (cf question-réponse n°2 ci-dessus).
En outre, aucune solution de remplacement de ces additifs (ex : formulations à base de bouillon de légumes, formulations associant des ferments lactiques et des extraits de levures, formulations riches en polyphénols et vitamine C) ne permet de gérer simultanément les différents risques de façon satisfaisante : le risque microbiologique, le risque cancérogène associé à la peroxydation lipidique ainsi que le maintien des caractéristiques organoleptiques (goût, couleur) des produits de charcuterie (plus de précision dans la question-réponse n°6 ci-après).
Les agences sanitaires française et européenne n’appellent pas à une interdiction des additifs nitrés dans les aliments. L’Anses, dans son avis publié en juillet 2022, recommande de limiter l’ajout intentionnel de nitrates et nitrites dans une approche « aussi bas que raisonnablement possible » pour diminuer l’exposition globale de la population. Le plan d’action gouvernemental « réduction de l’utilisation des additifs nitrites/nitrates dans les aliments » présenté le 27 mars 2023 s’inscrit dans cette logique.
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« Jambon zéro nitrite », « conservation sans nitrite », « recette sans sel nitrité »... De nombreux produits alimentaires mettent aujourd’hui en avant l’utilisation de substituts aux additifs nitrités, voire la suppression totale de conservateurs. Ces substituts sont-ils performants et ont-ils les effets sanitaires attendus ? Pour les pouvoirs publics, la prudence est de mise au regard de l’étude conduite très récemment dans le cadre du projet « Subnitrites ».
Les réflexions du plan se sont en effet notamment appuyées sur une étude récente coordonnée par INRAE sur différentes options de réduction, de suppression ou d’alternatives aux nitrites. Les résultats de cette étude - en cours de validation par la communauté scientifique - soulignent l’importance d’une évaluation préalable des risques, notamment de cancers, afin de mesurer les effets sur la santé des additifs en particulier à travers le suivi des néoformations de composés toxiques pendant la digestion, et mettent en avant pour ce qui est des alternatives les résultats suivants :
- Concernant les formulations à base de bouillon de légumes (naturellement riche en nitrates transformés en nitrites dans le produit), les résultats obtenus mettent en évidence une maitrise du risque microbiologique mais elles apportent pour la première fois la démonstration d’une absence d’effet protecteur sur la promotion du cancer colorectal. Sur ce deuxième point, l’étude confirme la présence de composés nitrés et nitrosés dans les produits de la charcuterie traités avec ce substitut. En effet, les végétaux présents dans ces bouillons de légumes peuvent être sources de nitrates naturels, lesquels sont convertis en nitrites par les enzymes bactériennes présentes dans ces bouillons de légumes. Cette formulation longtemps présentée comme une alternative n’en est donc pas une en ce qui concerne la maîtrise du risque cancérogène.
- Concernant les formulations associant des ferments lactiques et des extraits de levures, l’étude montre que ce substitut ne permet pas de maitriser le risque microbiologique, et n’apporte aucun effet protecteur sur la carcinogénèse au stade précoce. Sur ce deuxième point, le substitut, qui ne contient pas d’agent nitrosylant ou nitrosant, a bien induit une réduction complète de l’exposition aux composés nitrosés et a annihilé leur néoformation fécale ; en revanche, il a conduit à une très forte augmentation de la peroxydation lipidique qui pourrait expliquer l’absence d’effet protecteur sur la carcinogénèse au stade précoce.
- Concernant les formulations riches en polyphénols et vitamine C, l’étude a montré que le risque microbiologique est moins bien maitrisé qu’avec la teneur de référence à 120 ppm de nitrites d’une part et, d’autre part, qu’elle induit une tendance, mais non statistiquement significative, à diminuer la carcinogenèse colorectale dans le modèle animal. Sur ce deuxième point, l’étude met en évidence une présence forte de nitrosamines non volatiles au niveau des produits et de fer nitrosylé au niveau des fèces, traduisant la présence dans cette alternative de composés favorisant la formation de composés nitrosés.
Les données acquises restent néanmoins insuffisantes pour une extrapolation définitive à l’Homme des conclusions issues de ce travail. En effet, comme le rapporte l’avis de l’Anses de juillet 2022, l’évaluation des risques associés à l’usage d’un additif doit se baser sur une analyse systématique de la littérature scientifique et des études répétées.
A l’heure actuelle, aucune solution de remplacement des additifs nitrés ne permet de gérer simultanément les différents risques de façon satisfaisante : le risque microbiologique, le risque cancérogène associé à la peroxydation lipidique ainsi que le maintien des caractéristiques organoleptiques (goût, couleur) des produits de charcuterie.
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Le Programme National Nutrition Santé à destination des adultes, disponibles sur mangerbouger.fr recommande de privilégier une alimentation équilibrée et diversifiée avec au moins 5 portions de fruits et légumes par jour d’origine diversifiée et de limiter la consommation de charcuterie à 150 grammes par semaine.
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Le plan d’action définit une trajectoire de baisse, voire de suppression quand cela est possible, de l’utilisation de nitrites et nitrates dans les produits de la charcuterie produits en France.
Trois grands phases sont prévues :
- Les baisses immédiates (effectives à compter de fin avril 2023)
► Elles concernent plus de 80% des volumes de charcuteries mis en marché.
► Les jambons cuits et lardons, qui représentent plus de 40% des produits de la charcuterie consommés en France, vont voir les doses maximales d’additifs nitrés diminuer de respectivement 25% et 20% dans les prochaines semaines. Cette réduction sera similaire pour les saucisses cuites (knacks), pâtés et rillettes, et même supérieure à 30% pour les saucisses à griller.
► Cette baisse entraine d’ores et déjà une diminution significative de l’exposition des consommateurs aux nitrites.
- Des baisses à court terme (6-12 mois), des évaluations pour tester et s’assurer de la faisabilité de baisses d’ampleur visées pour les produits les plus largement consommés.
Elles concernent plus de 90% des volumes de produits de la charcuterie consommés en France, notamment les saucisses, saucissons cuits, pâtés, rillettes, andouilles et andouillettes pour lesquels les diminutions se situeront autour de 25%, voire plus de 30% pour les jambons par rapport aux teneurs maximales actuellement en vigueur.
Il est même prévu la suppression totale de tout additif nitré dans les saucisses à griller à l’issue de cette période.
Le délai indiqué permettra de valider la faisabilité théorique de ces baisses et de contrôler qu’elles permettent bien de maitriser la qualité sanitaire, notamment microbiologique des produits concernés..
- A moyen (5 ans) et long terme :à cet horizon, les instituts scientifiques compétents seront mobilisés pour la recherche et le développement de solutions visant à cet horizon à réduire au maximum et supprimer les additifs nitrés dans tous les produits de la charcuterie où c’est possible. Le plan d’action prévoit notamment d’étudier les solutions visant à atteindre la suppression de l’ajout d’additifs nitrés dans les jambons cuits, lardons, pâtés et rillettes à cet horizon.
Cette approche est en phase avec les recommandations de l’Anses, les études de l’INRAE, la réglementation internationale et européenne relative aux additifs alimentaires, la proposition de loi « relative à la consommation de produits contenant des additifs nitrés » adoptée par l’Assemblée nationale le 3 février 2022, ainsi qu’avec l’engagement pris par le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire (communiqué de presse du 12 juillet 2022).
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Se référer aux annexes du plan d’action gouvernemental « réduction de l’utilisation des additifs nitrites/nitrates dans les aliments ».
Accédez au plan d'action
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Oui. La France est - avec le Danemark - le pays européen où les doses autorisées d’incorporation de nitrites dans les charcuteries sont les plus faibles en Europe. Avant même la publication du plan d’action français du 27 mars 2023, la dose d’incorporation maximum autorisée en France était 20% inférieure à celle fixée par la réglementation de l’Union européenne (ex pour les jambons cuits : 120ppm autorisés en France pour contre 150ppm autorisés au niveau européen). Le plan d’action français va encore plus loin en abaissant à 100 mg voire moins les teneurs maximales de nitrites autorisées pour la production de charcuterie en France (ex pour les jambons cuits : baisse immédiate à 90ppm, teneur de 80ppm testée dans un délai de 6 à 12 mois ; travaux de recherche pour tendre vers la suppression des nitrites dans un horizon de 5 ans).
Voir aussi
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