Don de cagette de pommes et de poires
Xavier Remongin / agriculture.gouv.fr

11 octobre 2024 Info +

Lutte contre le gaspillage alimentaire : les lois françaises

De la loi Garot en 2016, et à la loi EGalim en 2018, jusqu'à la loi Climat et Résilience en 2021, la France a pris de nombreuses dispositions législatives pour lutter contre le gaspillage alimentaire. Dans le même temps, elle soutient le développement d'outils dans les territoires pour que la réduction du gaspillage alimentaire revête une dimension concrète, au quotidien

Le gaspillage alimentaire est défini comme toute nourriture destinée à la consommation humaine qui, à une étape de la chaîne alimentaire, est perdue, jetée ou dégradée.

Depuis le 11 février 2020, l’objectif national en France est de réduire le gaspillage alimentaire, d'ici 2025, de 50% par rapport à son niveau de 2015 dans les domaines de la distribution alimentaire et de la restauration collective et, d'ici 2030, de 50% par rapport à son niveau de 2015 dans les domaines de la consommation, de la production, de la transformation et de la restauration commerciale.

Au fil des années, l'arsenal législatif français s'est renforcé. Désormais, l’interdiction de rendre impropre à la consommation des denrées encore consommables s’applique aux industries agroalimentaires, aux grossistes, aux distributeurs et à la restauration collective. De même, ces acteurs ont l’obligation (au-delà d’un certain seuil) de proposer une convention de don à une association d'aide alimentaire habilitée.

Quelques chiffres clés

En France, en 2022, 9,4 millions de tonnes de déchets alimentaires ont été produits (Eurostat, 2022) : parmi eux se trouvent des épluchures, des coquilles d’œufs ou des carcasses, mais également des produits comestibles, qui représentent 4 millions de tonnes. À l’origine de ces déchets se trouvent les ménages, mais aussi toute la chaine de production et d’acheminement des produits vers le consommateur. La thématique du gaspillage alimentaire, liée étroitement à celle de la précarité alimentaire, est devenue une problématique importante, et la journée du 29 septembre est désormais consacrée au niveau international, à la sensibilisation aux pertes et gaspillages de nourriture.

LE PACTE NATIONAL DE LUTTE CONTRE LE GASPILLAGE ALIMENTAIRE

Dès 2013, la France a mis en œuvre un Pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire. Renouvelé en 2017, il réunit l’ensemble des acteurs de la chaine alimentaire, dans le but de réduire de 50% le gaspillage alimentaire d’ici 2025 pour les secteurs de la distribution et de la restauration collective, et d’ici 2030 pour les autres secteurs. Il est piloté par la DGAL et associe 4 autres ministères (en charge de l'écologie, des solidarités et de la santé, de l'éducation nationale, de l'économie et des finances respectivement), il permet l'engagement volontaire de représentants de l'ensemble de la chaîne alimentaire (une soixantaine). Il structure la feuille de route de lutte contre le gaspillage alimentaire jusqu’en 2020 à travers 19 engagements de l’État et 16 des partenaires.

Le bilan du Pacte 2017-2020 a été réalisé par la Direction générale de l'alimentation le 29 septembre 2021. Il a permis de faire le bilan du degré de réalisation des engagements de l'État et des partenaires, et de se concerter sur la suite à apporter au Pacte après 2020.

LES ÉVOLUTIONS RÉGLEMENTAIRES

Depuis 2013, de nombreuses lois ont renforcé la lutte contre le gaspillage alimentaire.

  • 17 août 2015 – La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte introduit l’obligation, pour la restauration collective publique, d’avoir une démarche de lutte contre le gaspillage alimentaire.
  • 11 février 2016 – La loi dite « Garot » établit une hiérarchie dans les actions pour la lutte contre le gaspillage alimentaire : favoriser la prévention du gaspillage, puis utiliser les invendus par le don ou la transformation, puis valoriser dans l’alimentation animale, et enfin utiliser les restes alimentaires à des fins de compost pour l’agriculture ou la valorisation énergétique (méthanisation). De plus, les pratiques de destruction d’aliments encore consommables sont interdites. Les distributeurs de plus de 400 m² doivent maintenant proposer des conventions de don à des associations d’aide alimentaire.
  • 30 octobre 2018 – La loi EGalim introduit l’obligation, à partir du 1er juillet de 2021, pour les opérateurs de la restauration commerciale de proposer le « gourmet bag » (doggy bag à la Française), et prévoit des dispositions supplémentaires par décret et ordonnance.
  • 11 avril 2019 – En application de la loi EGAlim, il devient obligatoire de mettre en place un plan de gestion de la qualité du don pour les distributeurs, à partir du 1er janvier 2020, pour en assurer la qualité, impliquant formation et sensibilisation du personnel.
  • 21 octobre 2019 – En application de la loi EGAlim, une ordonnance relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire est publiée au journal officiel. L’obligation de proposer une convention de don à une association d’aide alimentaire habilitée est étendue aux opérateurs de la restauration collective (> 3 000 repas préparés / jour), et aux opérateurs de l’industrie agroalimentaire (> 50M€ de chiffre d’affaire). L’interdiction de rendre impropre à la consommation des denrées encore consommables est également étendue à ces acteurs. Elle introduit aussi l’obligation de faire un diagnostic de gaspillage pour l’ensemble de la restauration collective avant le 21 octobre 2020.
  • 10 février 2020 – La loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (loi AGEC) précise la définition du gaspillage alimentaire et fixe des objectifs de réduction. Elle étend l’obligation de diagnostic anti-gaspillage aux industries agroalimentaires. Elle introduit un label national « anti-gaspillage alimentaire » pouvant être accordé à toute personne contribuant aux objectifs nationaux de réduction du gaspillage alimentaire. Elle renforce le plan de gestion de la qualité du don, en introduisant des procédures de suivi et de contrôle de la qualité du don. Enfin, elle étend les obligations de la loi Garot aux opérateurs de commerce de gros alimentaire (> 50M€ de chiffre d’affaire pour la convention de don), et augmente les sanctions liées au non-respect de ces dispositions.
  • 20 octobre 2020 - Le décret n° 2020-1274 du 20 octobre 2020 relatif aux dons de denrées alimentaires prévus à l'article L. 541-15-6 du code de l'environnement, à leur qualité et aux procédures de suivi et de contrôle de leur qualité, est un texte d'application de l'ordonnance du 21 octobre 2019 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire et de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (loi AGEC). Il modifie les textes d'application de la loi Garot de 2016 et du décret sur les plans de gestion de la qualité du don d'avril 2019.
    Les modifications portent sur 3 points principaux :
    • la mise à jour des renvois pour les associations d'aide alimentaire habilitées (code de l'action sociale et des familles, et non plus code rural et de la pêche maritime),
    • l'extension des éléments obligatoires de la convention de don aux opérateurs de l'industrie agroalimentaire, de la restauration collective et du commerce de gros (> aux seuils définis dans l'ordonnance et la loi AGEC),
    • l'introduction de procédure des suivi et de contrôle de la qualité du don au sein du plan de gestion de la qualité du don, comme prévu par la loi AGEC.
  • 22 août 2021 - Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets - Article 256. La loi Climat et résilience prévoit une expérimentation de solution de réservation de repas en restauration collective.

LE PLAN NATIONAL POUR L’ALIMENTATION (PNA) ET L’APPEL À PROJETS

Le Programme national pour l’alimentation (PNA) est prévu à l’article L1 (point III) du Code rural et la pêche maritime. Il détermine les objectifs de la politique de l’alimentation qui a pour finalités, définies à ce même article (point I-1), « d’assurer à la population l’accès à une alimentation sûre, saine, diversifiée, de bonne qualité et en quantité suffisante, produites dans de conditions économiquement et socialement acceptables par tous, favorisant l’emploi, la protection de l’environnement et des paysages et contribuant à l’atténuation et à l’adaptation aux effets du changement climatique ».

Intitulé « Territoires en action », le PNA3 lancé le 23 septembre 2020 reprend les 3 axes fondamentaux des précédents programmes :

  • la justice sociale, incluant la lutte contre les inégalités sociales et territoriales,
  • l’évolution de l’offre alimentaire et l’information des consommateurs,
  • la lutte contre le gaspillage et l’éducation alimentaire.

Il s’appuie sur deux leviers transversaux pour la transition vers une alimentation plus sûre, saine, durable et accessible à tous : les Projets alimentaires territoriaux (PAT) et la restauration collective.

Le PNA s'appuie sur un appel à projets national (AAP) qui constitue un outil concret pour mettre en œuvre la politique de l’alimentation.

LA DIMENSION TERRITORIALE DE LA LUTTE CONTRE LE GASPILLAGE ALIMENTAIRE

Au niveau des territoires, la lutte contre le gaspillage alimentaire s’inscrit à travers les Projets alimentaires territoriaux (PAT), qui doivent inclure plus systématiquement cette dimension depuis la loi EGalim en 2018, à travers la déclinaison du PNA au niveau régional, en lien avecles Comités régionaux de l’alimentation (CRALIM), introduits par la loi EGAlim, en s’appuyant notamment dans certaines régions sur les Réseaux de lutte contre le gaspillage alimentaire (RÉGAL).

Les RÉGAL (RÉseaux de lutte contre le Gaspillage Alimentaire), ont pour objectif de mobiliser, à l'échelle d'un territoire, l'ensemble des acteurs de la chaîne alimentaire : diffusion de l'information, création de savoirs collectifs, émergence de projets innovants, partage et capitalisation des bonnes pratiques professionnelles… Il s'agit d'une véritable communauté de travail qui fonctionne en intelligence collective pour répondre aux enjeux du gaspillage alimentaire.

Les RÉGAL n'ont pas de format-type et peuvent être différemment structurés en fonction de leurs contextes territoriaux. Ademe,DRAAF (Direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt), DREAL (Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement), Conseil régional, collectivités, associations d’aide alimentaires ou d’éducation à l’environnement... Les RÉGAL naissent souvent d’une volonté collective de mener un projet commun.