Légumes : les travaux de recherche d’agriculteurs bretons pour réduire l’utilisation d’eau tout en cultivant des produits de qualité
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Comment réduire l’utilisation d’eau et optimiser l’irrigation dans la filière légumes de plein champ ? Cette question primordiale est à l’origine de la création du GIEE (Groupement d'intérêt économique et environnemental) « fermes économes en eau. Améliorer la réserve utile en eau des sols pour préserver les ressources naturelles », créé en 2019 en Bretagne. De Ploërmel (Morbihan) à Quimper (Finistère), dix producteurs de légumes d’industrie se rencontrent régulièrement pour échanger sur leurs travaux et partager leurs connaissances.
« Le point de départ du collectif a été d’étudier la réserve utile en eau des sols, c’est-à-dire la quantité d'eau que le sol peut absorber et restituer à la plante », explique Denis Lebossé, coordinateur du GIEE et ingénieur Agronomie – Irrigation à la Chambre d’agriculture de Bretagne. « Évaporation, transpiration naturelle des plantes, labour, composition du sol… Quels facteurs l’influencent ? Que les agriculteurs pratiquent l’irrigation ou non, c’est une problématique fondamentale ».
Chaque membre du GIEE s’est équipé de stations météorologiques et de sondes connectées (taux d’humidité, température du sol, mesure du taux d’évapotranspiration potentielle…) plantées à 50 cm de profondeur. « L’application, en suivant la croissance racinaire, m’indique si mes légumes sont bientôt en situation de stress hydrique, c’est-à-dire si les haricots vont manquer d’eau », précise Yvon le Frêne, producteur irrigant de légumes à Saint-Gérand (Morbihan) depuis 40 ans. « Il ne faut pas atteindre ce stade : cela risque de compromettre toute la récolte car en une journée, une plante peut grener et n’est plus commercialisable. »
Ces haricots stressés deviennent ainsi filandreux et sont donc refusés à l’usine : les agriculteurs doivent respecter un cahier des charges précis pour assurer une qualité de produit optimale aux consommateurs.
« Pour éviter le stress hydrique, je n’arrose que lorsque c’est nécessaire. Arroser, ça a un coût. Alors je vérifie fréquemment le taux d’humidité des sols et si de la pluie est prévue prochainement ».
Entre qualité du produit et conditions météorologiques, l’irrigation est un équilibre difficile à atteindre. En effet, l’eau et l’humidité favorisent l’apparition de champignons parmi les haricots. « Chaque culture a des besoins spécifiques. Le haricot est un légume fragile qui nécessite une vigilance de tous les jours », explique Jean-Claude Orhan, producteur et président de l’association nationale des organisations de producteurs de légumes pour l'industrie (Association d'organisation de producteurs Cénaldi). Des conseillers techniques de la coopérative Eureden effectuent des prélèvements dans les parcelles et déterminent quand la récolte devra avoir lieu, juste avant la maturité, afin que les haricots ne grènent (fabriquer des graines) pas et soient rapidement acheminés jusqu’aux usines proches.
Chaque agriculteur irrigant dispose en moyenne d’une réserve d’eau collinaire, remplie en hiver lorsque les sols sont saturés en eau. « Nous sommes dans une logique d’irrigation d’appoint : on n’irrigue que lorsque c’est nécessaire et souvent la nuit, pour réduire le risque d’évaporation », poursuit Éric Kerloch, responsable de la station expérimentale de l’Unilet (Interprofession des légumes en conserve et surgelés) de Quimperlé. Par ailleurs, trop d’eau saturerait le sol, qui, avec la chaleur, favoriserait l’apparition de champignons parmi les haricots.
Le GIEE s’intéresse notamment à l’enracinement : « Nous avons remarqué que la plante doit développer ses racines pour renforcer sa capacité de résilience : en cas de stress hydrique, elle saura extraire de l’eau en profondeur sans trop d’efforts. Si on arrose trop, elle va s’habituer et sera plus impactée par une sécheresse ». À cet effet, un groupe d’élèves du lycée agricole La Touche (Ploërmel) étudie le profil racinaire de différentes parcelles d’agriculteurs du collectif. « La réserve utile peut être très variable au sein d’une même parcelle », observe Dominique Moreul, agriculteur à Ménéac (Morbihan).
Un diagnostic individuel a été réalisé sur les dix exploitations des membres du collectif. Le suivi et l’analyse des données collectées par les sondes sont régulièrement présentés lors de réunions. Le recensement et l’évaluation des leviers agronomiques en faveur de la réserve utile des sols sont en cours.
La filière bretonne de production de légumes à destination de l’industrie
- 1 800 agriculteurs produisent des légumes à destination de l’industrie (conserve ou surgelés) ;
- 21 000 hectares sont dédiés aux légumes d’industrie en Bretagne, ce qui représente 31% des surfaces françaises consacrées aux légumes d’industrie ;
- La filière génère 2 400 emplois sur le territoire ;
- Avec la moitié des producteurs, le Morbihan est le premier département breton ;
- 7% des producteurs ont comme activité principale le légume d’industrie, avec une diminution des repreneurs ;
- Les haricots verts et beurre sont la première production en terme de surface ;
- La Bretagne comporte une moyenne de 41% des surfaces légumières irrigables, contre 65% en France ;
- Plus de la moitié des agriculteurs irrigants n’a qu’une seule réserve d’eau collinaire d’environ 20 000 m3.
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