Dans les coulisses de la 33e édition du comité du Codex Alimentarius sur les principes généraux (CCGP)
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La 33e édition du comité du Codex Alimentarius sur les principes généraux (CCGP) s’est déroulée du 2 au 6 octobre 2023 à Bordeaux. C’est la première à se tenir en présentiel depuis la pandémie de Covid-19. Jean-Luc Angot – Inspecteur général au ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, membre du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) et président du CCGP – revient sur plusieurs points marquants de cette édition.
Une nouvelle session du CCGP s’est achevée, quels sujets étaient à l’ordre du jour ?
Cette année, le comité du Codex Alimentarius sur les principes généraux (CCGP) a travaillé sur la mise à jour du Manuel de procédure et la création de sa version numérique en ligne.
Il s’agit là d’une tâche importante, car ce manuel contient toute la méthodologie de préparation et d’adoption des normes internationales visant à garantir la sécurité des aliments et les pratiques loyales et équitables dans le commerce mondial de denrées alimentaires (textes fondamentaux et règlements, élaboration des normes et textes apparentés, directives pour les différents comités du Codex, analyse des risques, etc.). Le Codex Alimentarius, programme de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) produit des normes qui ont valeur de référence auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). C’est pourquoi il est important que le processus d’élaboration et d’adoption de ces normes soit optimisé.
Le Manuel de procédure a déjà évolué au fur et à mesure du temps. Toutefois, une refonte a été jugée nécessaire pour l’adapter à la situation actuelle et pour prendre en compte les nouvelles technologies.
Par ailleurs, quel est le rôle du comité que vous présidez au sein du Codex ?
Le CCGP est un comité transversal qui travaille pour l’ensemble des comités du Codex. Il a pour rôle d’étudier les questions de procédure et les problèmes généraux que lui soumet la commission du Codex Alimentarius, notamment en examinant ou en approuvant les dispositions/textes de procédure transmis par les différents comités en vue de leur incorporation dans le Manuel de procédure. Il peut recommander également d’autres amendements à apporter à ce dernier.
En tant que « gardien » du Manuel de procédure, le CCGP est donc régulièrement chargé de sa mise à jour afin que les normes élaborées, puis adoptées, respectent les dispositions de cet outil.
En tant que président du CCGP, quelles sont vos missions ?
Lors des sessions du comité regroupant les différents pays sur une semaine, mon rôle est de les animer en veillant à l’équilibre, à l’égalité du temps de parole des délégués par pays, mais également à l’inclusivité et à la transparence. Tout le monde doit pouvoir s’exprimer. Pour cela, les réunions se font avec traduction dans les trois langues du Codex (anglais, français et espagnol).
En plus de mon rôle d’animateur, j’effectue également des synthèses sur tous les points abordés et les consensus trouvés. Une fois validées de façon générale par le comité, elles servent ensuite de conclusions et sont remontées à l’instance suprême, la commission du Codex Alimentarius lors de sa réunion annuelle, au mois de décembre à Rome, afin d’être adoptées.
La France joue-t-elle également un rôle particulier ?
Comme tous les 189 pays membres, la France peut donner son opinion. Chaque matin, les États membres de l’Union européenne (UE) se réunissent pour aborder les différents points de la journée. Le pays assurant la présidence du Conseil de l’UE (en ce moment l’Espagne) est porte-parole et s’exprime alors au nom des 27 États membres lors des sessions.
Cependant, la France assure le rôle de pays hôte du comité sur les principes généraux (CCGP) pour ses réunions.
Quelles décisions ont été adoptées lors de cette 33e édition du CCGP et quels sont les futurs travaux du Codex ?
Cette année, des propositions d’évolution du Manuel de procédure ont été adoptées et un consensus sur un meilleur encadrement des organisations non-gouvernementales (ONG) – comme des associations représentant les consommateurs – ayant le statut d’observateurs et participant au Codex Alimentarius a également été trouvé.
Afin de rendre compte des nouvelles réalités de la société dans les normes du Codex, plusieurs réflexions sont menées sur la mise en œuvre des normes et la prise en compte des facteurs légitimes autres que scientifiques (comme l’acceptabilité de la société sur les sujets qui concernent le bien-être animal ou l’étiquetage des produits pour le consommateur…). Il y a également une réelle volonté de donner aux normes plus de poids à l’international afin d’éviter les disparités dans les accords commerciaux de libre-échange et de développer le multilatéralisme concernant la sécurité sanitaire des aliments ainsi que le commerce international des denrées alimentaires. Nous aimerions aussi permettre une participation plus importante aux pays en développement, notamment via le fonds fiduciaire spécifique du Codex qui finance leur participation aux groupes de travail ainsi qu’aux comités. Des travaux sur le gaspillage alimentaire et sur une meilleure information du consommateur devraient également voir le jour, même si le chemin est encore long.
Lors du Salon international de l’agriculture de 2019, le président de la République a déclaré que le Codex Alimentarius devait « constituer la grammaire commune d’une alimentation et d’une agriculture saines pour tous les pays du monde ». C’est la feuille de route du CCGP.
Les travaux du Codex s’inscrivent également dans la démarche One Health, liant santé humaine, santé animale, santé végétale et santé des écosystèmes et favorisant des systèmes alimentaires durables et les transitions nécessaires.
Le contexte mondial dans lequel nous évoluons doit nous mobiliser pleinement. Il est aujourd’hui plus que jamais indispensable de développer des politiques publiques multilatérales volontaristes visant à réduire les inégalités pour assurer la stabilité globale, la paix et la souveraineté alimentaire.
Enfin, une réflexion est en cours sur l’avenir du Codex ; elle a d’ailleurs fait l’objet d’un évènement parallèle fructueux pendant la session.
Qu’est-ce que le Codex Alimentarius ?
Il s’agit d’un programme mixte de l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Celui-ci est en charge de l’élaboration des normes alimentaires internationales destinées à protéger la santé du consommateur et de promouvoir des pratiques loyales dans le commerce de denrées alimentaires. Comme un code élaboré à partir d’un corpus de documents, le Codex Alimentarius regroupe ainsi environ 300 normes, directives, codes d’usages et plus de 11 000 limites maximales (de contaminants, d’additifs, de résidus de pesticides et de médicaments vétérinaires…).
Créé en 1963, le Codex Alimentarius fête cette année ses 60 ans.
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