Interview de Jean-Luc Angot : « One health, c’est un changement de culture qui nous concerne tous »
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Les maladies animales représentent une menace potentielle pour la santé publique. L'existence de nombreux pathogènes communs entre médecine humaine et vétérinaire a suscité une approche globale, le concept One health / une seule santé. Explications de Jean-Luc Angot, président honoraire de l'Académie Vétérinaire de France.
Pourquoi parler d'une seule santé ?
Le concept n'est pas nouveau. Quand l'Académie de médecine a été créée en 1820, elle a aussitôt intégré une section vétérinaire. Mais avec la spécialisation, le cloisonnement entre les disciplines scientifiques s'est imposé. Apparu en 2004, ce concept "one world /one health - une planète/une santé" est porté par l'Organisation mondiale de la santé animale (OMSA), l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), avec l'objectif de renforcer les liens entre santé humaine et santé animale. La recrudescence de maladies infectieuses – l'ESB puis le virus de l'influenza aviaire H5N1 sur plusieurs continents – a accéléré cette prise de conscience : la protection de la santé de l'Homme passe par la santé de l'animal. Avec la crise Covid, on réalise qu'une maladie animale peut devenir une menace pour la santé publique, avec des conséquences sur l'économie, l'environnement et les sociétés. Désormais, santé humaine, santé animale, santé végétale et préservation des écosystèmes ne font qu'un.
Quelles sont les implications de cette approche globale des enjeux de santé ?
Le monde du vivant est d'une grande complexité. Comprendre les interactions entre les différents milieux nécessite de réfléchir en interdisciplinaire. On sait déjà que 75% des maladies émergentes sont associées aux animaux et l'effondrement de la biodiversité comme le changement climatique impactent notre santé. La formation est essentielle. Il faut augmenter les connaissances en santé globale dans les programmes scolaires – comme pour l'éducation à l'alimentation – mais aussi au sein de la société civile et des décideurs publics et politiques.
Que peut apporter la science ?
La prévention, c'est le nerf de la guerre. D'autres pandémies sont à venir avec le brassage des populations et la proximité des animaux sauvages avec les animaux domestiques et les humains. Trois instituts de recherche français, Inrae, Cirad et IRD ont lancé Prézode, un programme de prévention des pandémies. Je suis chargé de promouvoir ce programme à l'international, nous avons déjà l'adhésion de 215 organismes de recherche à travers le monde et de 25 gouvernements. La présidence française de l'Union européenne est l'occasion de mettre en exergue ce programme Prézode.
Comment One health / Une seule santé intègre les politiques publiques ?
Une seule santé est un cadre de pensée avec des grandes lignes directrices qui se déclinent à différentes échelles, mondiale, régionale et nationale et des solutions locales et territoriales. Une seule santé requiert une meilleure coordination entre les ministères de la santé, de la transition écologique, de l'agriculture, etc. Il faut aller chercher la santé partout où elle se trouve et interroger sa place dans d'autres politiques publiques sectorielles. Par exemple, les ministères chargés de la Santé et de l'Écologie sont copilotes du Plan national santé-environnement (PNSE4) et le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation est associé pour certaines actions. La création de l'Institut One Health, destiné à sensibiliser les décideurs publics et privés, représente également une avancée importante.
Quelles sont les initiatives au niveau international ?
L'OMSA, l'OMS et la FAO collaborent pour éviter l'apparition d'une nouvelle pandémie, avec trois points d'attention : l'influenza aviaire, l'antibiorésistance et la rage qui reste une maladie qui fait de nombreux morts à travers le monde. Lors de la crise Covid, à l'initiative de ces trois organisations, a été constitué un groupe de 26 experts de différents secteurs - dont le français, Serge Morand, écologue, chercheur au CIRAD et CNRS. En association avec le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), un rapport sera rendu en 2022. Leur premier travail a été d'élaborer une nouvelle définition plus inclusive de One Health, adopté par l'OMS, et qui fait désormais référence, ainsi qu'une feuille de route internationale.
La définition One health adoptée le 1er décembre 2021 par l'OMS, l'OMSA, la FAO et le PNUE
« One Health/Une seule santé est une approche intégrée et fédératrice qui vise à équilibrer et optimiser durablement la santé des personnes, des animaux et des écosystèmes. Elle reconnaît que les santés des humains, des animaux domestiques et sauvages, des plantes et de l'environnement au sens large (y compris les écosystèmes) sont étroitement liées et interdépendantes. L'approche mobilise de multiples secteurs, disciplines et communautés à différents niveaux de la société pour travailler ensemble à améliorer le bien-être et à lutter contre les menaces pour la santé et les écosystèmes, tout en répondant au besoin collectif d'eau, d'énergie et d'air propres, d'aliments sains et nutritifs, en prenant des mesures contre le changement climatique et en contribuant au développement durable. »
- OMS : Organisation Mondiale de la Santé
- OMSA : Organisation Mondiale de la Santé animale
- FAO : Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (Food and Agriculture Organization of the United Nations)
- PNUE : Programme des Nations unies pour l'environnement
Voir aussi
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