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Pascal Xicluna / agriculture.gouv.fr

13 avril 2023 Info +

Tout comprendre de la loi EGalim 2

La loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs a été adoptée le 18 octobre 2021. Cette loi dite « EGalim 2 » vient compléter et renforcer la loi du 30 octobre 2018 (dite « EGalim »), dont l’objectif était d’améliorer l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire.

  • Issue des États généraux de l’alimentation (EGA) de 2017, la loi EGalim a constitué une avancée importante pour une meilleure répartition de la valeur le long de la chaîne agro-alimentaire. Elle a notamment permis d’inscrire dans les pratiques de nouveaux modes de négociation en inversant la construction du prix et d’encadrer précisément les modalités et le contenu de la contractualisation écrite. Ce nouveau paradigme a permis une évolution majeure : changer l’état d’esprit des relations existantes le long de la chaîne alimentaire en impulsant une dynamique collective inédite.

    La loi EGalim 2 vise à renforcer la logique de construction du prix des produits alimentaires « en marche avant », c’est-à-dire à partir des coûts de production des agriculteurs. Ces coûts doivent être répercutés tout au long de la chaîne agro-alimentaire, de l’amont agricole à l’aval, de la production jusqu’à la transformation et la commercialisation de ces produits. Pour cela, la loi intervient principalement selon deux volets, un volet « amont » et un volet « aval ».

  • À l’amont agricole, la loi EGalim 2 rend obligatoire, à partir du 1er janvier 2023, la conclusion d’un contrat écrit pour la vente d’un produit agricole. Elle prévoit une entrée en vigueur anticipée au 1er janvier 2022 pour :

    • les bovins mâles non castrés de 12 à 24 mois de race à viande ;
    • les bovins femelles de plus de 12 mois n’ayant jamais vêlé de race à viande ;
    • les bovins femelles ayant déjà vêlé de race à viande ;
    • les bovins sous signes officiels de qualité ;
    • les porcs charcutiers castrés nés à partir du 1er janvier 2022 ;
    • le lait de vache et de chèvre cru.

    L’entrée en vigueur est également anticipée au 1er juillet 2022 pour les bovins mâles ou femelles maigres de moins de 12 mois de race à viande, hors signes officiels de qualité et au 1er octobre 2022 pour le lait de brebis cru.

    Si la loi EGalim 2 pose le principe de la contractualisation écrite obligatoire (et non plus facultative), des dérogations demeurent possibles notamment dans le cadre d’un accord interprofessionnel étendu ou par décret en Conseil d’État. Le décret n° 2022-1668 du 26 décembre 2022, codifié à l’article R. 631-6-1 du code rural et de la pêche maritime (CRPM), fixe les produits et les catégories de produits pour lesquels le contrat de vente ou l'accord-cadre peut ne pas être conclu sous forme écrite. Dans cette hypothèse, si un contrat ou accord-cadre est tout de même écrit, il doit respecter le formalisme contractuel prévu à l’article L. 631-24 du CRPM, à l’exception de la durée obligatoire de trois ans et de la clause de révision automatique du prix, si la durée du contrat est inférieure à trois ans.

    En outre, le décret n° 2022-1669 du 26 décembre fixe, pour certains produits agricoles, les seuils de chiffre d’affaires (CA) annuel des producteurs et de leurs acheteurs en dessous desquels la contractualisation écrite obligatoire n’est pas applicable pour les contrats de vente de produits agricoles. Ces seuils sont codifiés à l’article R. 631-6 CRPM.

    Selon cette disposition, la vente d'un produit agricole par un producteur qui exerce une activité agricole à son premier acheteur peut ne pas être conclue sous forme écrite si le chiffre d’affaire du producteur est inférieur à 10 000 € pour le produit concerné ("seuil générique") ou si le chiffre d’affaire de l’acheteur ou du producteur relatif à ce produit est inférieur à un seuil spécifique, fixé au II de l’article R. 631-6 du CRPM.

    Pour déterminer les produits relevant de la production concernée, les parties peuvent se référer à l’annexe I du Règlement UE n°1308/2013. Pour l'appréciation de l'atteinte des seuils concernant le producteur, il revient à ce dernier de calculer, le cas échéant avec l'aide de son comptable, son chiffre d'affaires pour chacune des productions concernées.

    Par ailleurs, dès lors que l’une des parties (acheteur ou producteur) est en-deçà du seuil de CA pour la production concernée, l’article L. 631-24 n’est pas applicable, y compris donc dans l’hypothèse où l‘autre partie (acheteur ou producteur) serait au-delà du seuil de CA. L’inapplicabilité de la loi pour une partie emporte donc inapplicabilité pour les deux parties.

  • Le cadre contractuel issu de la loi EGalim est par ailleurs renforcé. Afin de mieux prendre en compte les évolutions liées aux coûts de production et au marché, la loi crée un mécanisme de révision automatique du prix lorsqu’il est fixe.
    Cette clause s’appuie sur les catégories d’indicateurs, dont l’usage a déjà été rendu obligatoire par la loi EGalim, pour les modalités de détermination du prix des contrats conclus selon une formule de prix. Il s’agit d’indicateurs notamment de coûts de production et de prix de marché. Dans cette perspective, les organisations interprofessionnelles doivent élaborer et publier des indicateurs qui servent d’indicateurs de référence. Toutefois, les parties demeurent libres de définir la formule de révision du prix et les indicateurs utilisés. L’Observatoire de la formation des prix et des marges doit rendre public, tous les trimestres, les indicateurs de coûts de production publiés par ces organisations dans un support unique.
    En outre, la loi donne la possibilité de rendre obligatoire pour les produits fixés par décret, l’inscription d’une clause de « tunnel de prix » dans les contrats. Cette clause doit prévoir des bornes minimales et maximales à l’intérieur desquelles, les critères et modalités de détermination ou de révision du prix produisent leurs effets. Le décret n°2021-1415 du 29 octobre 2021 rend cette clause obligatoire, pour la vente de viande bovine.

  • Afin d’assurer une plus juste répartition de la valeur, la loi renforce la transparence du prix de la matière première agricole et consacre son caractère non négociable. Un article L. 441 1 1 est ainsi créé dans le Code de commerce afin de régir spécifiquement les conditions générales de vente (CGV) des produits alimentaires contenant des matières premières agricoles et des produits transformés composés de plus de 50 % de matière première agricole. Dans les CGV, doivent ainsi figurer les matières premières agricoles utilisées et leur prix d’achat, selon l’une des trois options de transparence prévues par la loi.

    De plus, un nouvel article L. 443 8 prévoit que la convention écrite conclue à l’issue de la négociation commerciale exclut de la négociation commerciale, la matière première agricole. Ces contrats devront également contenir une clause de révision automatique des prix en fonction de l’évolution du coût des matières premières agricoles. Lorsque l’acquisition de ces matières premières agricoles a fait l’objet d’un contrat écrit, la clause de révision inclut obligatoirement les indicateurs relatifs aux coûts de production en agriculture. Parallèlement, la clause de renégociation est maintenue avec un périmètre élargi. Elle est activable notamment en fonction de l’évolution de coût de l’énergie, du transport ou encore des matériaux entrant dans la composition des emballages. Le décret n° 2022-1325 du 13 octobre 2022 (qui modifie le décret n° 2021-1426 du 29 octobre 2021) fixe, après concertation avec les organisations interprofessionnelles concernées, la liste des produits qui dérogent aux obligations de transparence et de non-négociabilité de la part agricole en raison des spécificités de leur filière de production.

    Ces mécanismes apportent des garanties aux transformateurs, dont le tarif bénéficie en outre, de l’application de la non-discrimination sans contreparties réelles (article L. 442-1) et du principe du « ligne à ligne » (article L.443-8) pour les produits alimentaires soumis au principe de la transparence et de la non négociabilité de la matière première agricole (article L. 441-1-1). La convention doit ainsi faire apparaître chacune des obligations réciproques auxquelles se sont engagées les parties, ainsi que leur prix unitaire. Le distributeur dispose d’un délai d’un mois pour motiver explicitement et de manière détaillée, par écrit, le refus des CGV (ou, le cas échéant, les dispositions des CGV qu’il souhaite soumettre à la négociation) ou notifier leur acceptation. Par ailleurs, les pénalités logistiques infligées par les distributeurs aux fournisseurs sont davantage encadrées et de nouvelles dispositions protectrices sont prévues pour les produits vendus sous marques de distributeur.

  • Les missions du médiateur des relations commerciales agricoles (MRCA) bien que déjà étendues par la loi EGalim, ont encore été renforcées par la loi EGalim 2. Pour rappel, le médiateur peut connaître tout litige relatif à la conclusion ou à l’exécution d’un contrat de vente d’un produit agricole ou alimentaire, c’est-à-dire à l’amont ou à l’aval. Le MRCA est également compétent pour tout litige concernant la clause de renégociation. Son périmètre d’intervention s’articule avec celui du médiateur de la coopération agricole, compétent dans les litiges relatifs aux relations entre un associé coopérateur et sa coopérative, entre coopératives et/ou unions de coopératives.

    Dans le cadre de la loi EGalim 2, le médiateur peut désormais, en plus de ses conclusions, avis ou recommandations, rendre publics, les refus des parties de communiquer les éléments nécessaires à la médiation des litiges. Par ailleurs, la saisine obligatoire du médiateur en cas de litige, préalablement à toute saisine du juge, est étendue à la négociation des contrats et accords-cadres et non plus seulement à leur exécution.

    Pour permettre une résolution plus rapide des litiges concernant les contrats amont, la loi EGalim 2 prévoit désormais l’intervention d’un Comité de règlement des différends agricoles (CRDCA) sur la base des conclusions de la médiation du MRCA, avant toute saisine du juge, sauf dans le cas des litiges liés à l’exécution du contrat, où les parties pourront directement saisir le juge. Le CRDCA dispose d’un pouvoir d’action étendu pour accélérer le règlement du litige. Il peut enjoindre aux parties de se conformer à sa décision, assortir cette injonction d’une astreinte et prendre des mesures conservatoires.

  • La loi EGalim 2 ouvre la possibilité d’expérimenter, pour certains produits agricoles définis par décret, un affichage relatif aux conditions de rémunération des producteurs agricoles. Cet affichage fait notamment ressortir, de façon immédiatement compréhensible pour les consommateurs, les répercussions en termes de rémunération des producteurs des prix auxquels sont achetés leurs produits. Les catégories de produits concernés par cet affichage concerneront, a minima, les produits de la filière bovine, les produits laitiers et certains produits issus de l’agriculture biologique.
    Durant la phase d’expérimentation, les personnes publiques ou privées qui souhaitent mettre en place un affichage destiné à apporter au consommateur, une information relative aux conditions de rémunération des producteurs de produits agricoles, doivent mentionner le caractère expérimental de l’affichage à proximité immédiate de celui-ci.

    Le ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire a missionné le Conseil Général de l’Alimentation, de l’Agriculture et des Espaces Ruraux (CGAAER) afin de proposer un cadrage de l’expérimentation qui permettra d’évaluer différentes méthodologies et modalités d’affichage. Ses conclusions ont été rendues en janvier 2023 et ont fait l’objet d’une restitution aux parties prenantes le 14 février 2023.

  • Des obligations spécifiques d’information sont prévues, par décret, concernant l’origine du cacao, de la gelée royale, des miels, des bières ainsi que celle des vins servis en restauration hors foyer. Par ailleurs, les obligations d'étiquetage de l'origine des viandes sont étendues par décret aux établissements sans salle de consommation sur place ou proposant seulement des repas à emporter ou à livrer, ainsi qu’aux viandes utilisées en tant qu'ingrédients dans les préparations de viandes et des produits à base de viande.

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