Circulation de l'eau : en Champagne, des viticulteurs adoptent le couvert végétal
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En Champagne, depuis 10 ans, un groupe de 25 viticulteurs expérimente les couverts végétaux entre les rangs de vignes durant l’hiver. Cette pratique structure et enrichit le sol, facilite la circulation de l’eau et permet de réduire le recours aux herbicides. Rencontre avec Jérôme Courgey, viticulteur et animateur du Groupement d’intérêt économique et environnemental (GIEE) - Couverts végétaux et engrais verts de Champagne.
« Si on veut désherber sans herbicide et limiter la mécanisation qui perturbe la biologie souterraine du sol, quelles sont les solutions pour le viticulteur ? », questionne Jérôme Courgey, et de préciser : « Maîtriser la végétation qui pousse entre les rangs de vigne est essentiel pour nos récoltes. C’est l’enjeu de tous les viticulteurs ».
Une solution est d’installer une végétation bien choisie entre les rangs de vigne, ce qui permet d’étouffer le développement des herbes invasives et de réduire les herbicides. C’est pourquoi ce groupe de viticulteurs champenois, membres de l’Association Arbres et paysages, a constitué un GIEE afin de développer des couverts adaptés à leur terroir et pratiques viticoles.
Des plantes adaptées aux travaux des vignes
« Les plantes sélectionnées ne doivent pas pousser trop haut, afin de faciliter le travail de taille en hiver, mais doivent suffisamment recouvrir le sol afin de résister au piétinement du viticulteur. Réussir un couvert végétal de façon répétée rend les pratiques viticoles plus durables, plus économiques, notamment en réduisant la mécanisation, et socialement acceptables en trouvant des alternatives à la chimie », explique Jérôme Courgey.
Les racines structurent le sol
Le couvert végétal est composé de légumineuses comme le trèfle, qui a la capacité de stocker l’azote de l’air dans le sol, un élément essentiel pour le développement de la vigne. « La féverole, avec sa racine pivotante, décompacte le sol et favorise la circulation de l’eau en profondeur », détaille Jérôme Courgey. « Les graminées comme l’avoine ou le seigle fourrager, produisent une grande quantité de matières végétales, qui une fois roulées sur le sol, vont former un paillage protecteur contre les aléas climatiques, notamment la sécheresse. »
Les plantes fertilisent la terre...
Semé en septembre, le mélange de plantes se développe tout l’hiver jusqu’au printemps. Durant cette longue période, les plantes travaillent et fertilisent le sol de manière autonome : le viticulteur n’a pas besoin d’intervenir et de passer entre les rangs avec le tracteur. Au mois de mai, quand les plantes ont poussé jusqu’à un mètre de hauteur pour certaines, elles sont roulées, c’est-à-dire aplaties avec un rouleau pour laisser dans le sol suffisamment d’eau et de minéraux pour la vigne.
… et l’eau circule jusqu’aux nappes phréatiques
« Plus le sol est vivant, plus il est aéré. L’eau circule mieux et se purifie avant d’atteindre les nappes phréatiques. Par son action physique et chimique sur la terre, le couvert végétal libère des minéraux essentiels pour le bon développement des grains de raisin (calcium, magnésium, potassium, fer). Les premiers résultats des essais montrent une maturation homogène des grappes, un critère fondamental pour produire un vin de qualité et une marge de progrès réelle qui incite à continuer », précise Jérôme Courgey.
De plus, cette couverture végétale qui dure 9 mois, favorise le développement de la faune (insectes, acariens, mollusques) et des micro-organismes qui jouent un rôle fondamental dans la vie du sol : les champignons et les bactéries sont à l’origine de la décomposition de la lignine du bois ou de la paille, et donc de l’humus qui structure le sol.
Se regrouper pour faire évoluer les pratiques
Reconnu en 2020 par la Direction régionale de l'agriculture et de la forêt (DRAAF) Grand-Est, le GIEE - Couverts végétaux et engrais verts de Champagne regroupe 25 maisons de champagne aux terroirs, cépages et pratiques variées : agriculture conventionnelle, Haute valeur environnementale, agriculture biologique, Viticulture durable Champagne.
Avec l’appui de la Chambre d’agriculture, le groupe apporte un suivi technique dans l’expérimentation des couverts végétaux. Il mutualise les connaissances et communique les résultats de manière détaillée au réseau des vignerons (protocoles, comptes rendus, photos, webinaires, portes ouvertes). Travailler en groupe permet de reproduire les expériences pour comprendre les échecs, effacer les doutes et confirmer les bonnes pratiques.
Le site collectifs-agroécologie permet de localiser rapidement les collectifs d’agriculteurs en transition vers l’agroécologie et d'accéder aux informations et aux livrables réalisés par ces groupes : GIEE, groupes 30 000 et DEPHY Fermes.
Encourager les couverts végétaux dans la viticulture et l'arboriculture
L’enherbement, tout comme les mulchs végétaux (paillis), améliore la structure du sol et sa biodiversité. Il évite aussi l’érosion, l’évaporation de l’eau et limite les traitements phytosanitaires (pas de désherbage par herbicide, moins de traitements fongicides…). Le nouvel écorégime prévoit donc la rémunération de la couverture végétale inter-rang dans la viticulture et l’arboriculture. Un ratio de 75% de couverts végétaux ouvre l’accès à l’écorégime, et un ratio de 95% donne accès au niveau supérieur de rémunération.
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