Réintégrer l’arbre et les couverts végétaux dans la vigne
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Pour lutter contre les aléas du climat, certains vignerons sont d’ores et déjà passés à l’action. Parmi eux, Pierre-Jean Villa, installé à Chavanay dans la Vallée du Rhône, s’est engagé, depuis plusieurs années, dans une démarche d’adaptation de son vignoble qui se distingue par son approche globale. Nous l’avons interviewé en compagnie de son chef de culture, Justin Prudhomme, ingénieur agronome.
En quoi la vigne et le vin sont-ils impactés par le changement climatique ?
Pierre-Jean Villa : « Les effets du changement climatique sont déjà visibles dans nos appellations. La hausse des températures a un impact sur la précocité des dates de vendange. La floraison se fait plus tôt dans l’année, ce qui pose problème lors des épisodes de gel du mois d’avril. Les étés sont plus chauds et secs. Les sucres du raisin sont donc plus importants et cela modifie le profil des vins. On constate également une mortalité plus importante des jeunes pieds de vigne... »
Quelles solutions avez-vous donc mis en place ?
Justin Prudhomme : « Il y a 5 ans, nous avons commencé une expérimentation sur les couverts végétaux. En période de maturation du raisin, ils permettent d’absorber une partie du rayonnement solaire. On le constate ensuite en cave : les raisins, qui proviennent de vignes couvertes au sol, ont moins de degrés d’alcool potentiel. Nous avons fait nos recherches sur une parcelle test afin de trouver le couvert le plus adapté à notre climat et à notre terroir. On a sélectionné différentes espèces, essentiellement des plantes grasses, tel que le sedum album (ou orpin blanc). C’est une espèce endémique, qui pousse déjà sur nos murs en pierre, et qui résiste très bien à la sécheresse. On sait maintenant que ces plantes ne viennent pas en concurrence de la vigne. Elles vont créer un tapis qui va empêcher les adventices de pousser. Elles ont également l’avantage d’être très rasantes, de ne pas monter dans la vigne et de générer par la suite des maladies. »
Justin Prudhomme Vous avez également réintroduit l’arbre dans une de vos parcelles, quels sont les bénéfices de la vitiforesterie sur le changement climatique ?
PJ. Villa. : « L’arbre dans la vigne est à la fois un élément protecteur, un élément qui mycorhize, un élément qui régule le froid l’hiver et tempère le chaud l’été. En association avec le Parc National du Pilat, nous avons planté, sur une parcelle test, des haies périphériques, des haies intraparcellaires et des îlots au cœur de la vigne pour avoir un maillage complet. Notre objectif pour les dix prochaines années est d’abaisser la température au sol d’environ 3 degrés. »
J. Prudhomme : « Il y a plein d’effets positifs sur le fait de ramener l’arbre au sein des parcelles : les feuilles qui tombent l’hiver vont ramener de la matière organique dans les sols. On va créer des corridors écologiques pour les oiseaux et des abris pour les auxiliaires de culture. L’ombre portée va permettre de lutter contre les excès de chaleur, les feuilles et les branches contre les effets du vent ».
PJ. Villa. : « Le domaine est en agriculture biologique, mais on utilise quand même des produits comme le cuivre et le souffre. Notre objectif serait de réduire les doses de ces produits d’encore 30%. Le fait d’avoir ramené 350 arbres sur 1 hectare, ce sont aussi des capteurs à CO2 importants qui permettent d’avoir des effets favorables sur les bilans carbone. »
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