Cant'Avey'Lot : le pari réussi de 30 éleveurs laitiers du Sud-Ouest
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Cant'Avey'Lot, c'est le pari réussi de 30 fermes laitières du Cantal, de l'Aveyron et du Lot. Un pari un peu fou engagé lors de la crise laitière de 2009. Sans capital ni trésorerie, sans contrat ni laiterie, les 30 producteurs décident de se regrouper en coopérative dans le but d'obtenir une rémunération plus juste, plus stable et meilleure. Aujourd'hui, Cant'Avey'Lot produit 10 millions de litres de lait par an et la petite marque a su se faire une place dans les rayons des enseignes du Sud-Ouest et de la région parisienne. Reportage à Bagnac-sur-Célé auprès de ces agriculteurs qui ont décidé ensemble de tracer sur une feuille blanche leur propre destin.
Installés dans la commune de Montredon, au croisement des trois départements, Vincent et Isabelle Rames nous accueillent à l'heure des brumes sous une pluie battante. Une lumière douce et chaude s'échappe de la ferme, Isabelle hèle ses « filles », la traite va bientôt commencer. « Notre approche est complètement différente car on travaille pour nous », se réjouit le couple, « avant notre lait partait, on ne savait pas ce qu'il devenait. Aujourd'hui, nous sommes plus attentifs à la demande des consommateurs et plus impliqués dans la qualité de notre production ». Les 80 montbéliardes d'Isabelle et Vincent produisent 600 000 litres de lait par an sous le label Bleu-Blanc-Coeur. Lorsqu'elles ne pâturent pas l'herbe des prairies riche en omega 3, elles reçoivent une correction alimentaire durant l'hivernation à l'étable. « Nous devions nous démarquer du lait conventionnel », explique leur ami Jean-Philippe Vayre, producteur à Frontenac et vice-président de la coopérative Cant'Avey'Lot. « Pour maintenir un tissu agricole et laitier dans la région, il fallait que l'on monte en gamme pour valoriser notre production et apporter de la rémunération à nos exploitations ».
Pour renouer le contact avec les consommateurs, la coopérative organise tous les weekends des animations dans les grandes surfaces de la région. « On s'installe dans le rayon lait et on fait déguster nos produits », explique Vincent, « c'est important pour nous car on parle aux consommateurs de notre métier, ils nous posent des questions sur la fabrication du lait et reconnaissent la différence de goût entre un lait classique et le nôtre ». Jean-Philippe et Vincent constatent avec regret que les agriculteurs se sont trop longtemps coupés des consommateurs : « On nous disait clairement, produisez et nous on s'occupera du commerce. Effectivement, c'est ce qu'il s'est passé mais on s'est aperçu, un peu tardivement, qu'on ne répondait plus vraiment à la demande ». La conversation s'interrompt. Un petit veau vient de naître dans le tambourinement assourdissant de la pluie.
A la nouvelle laiterie installée dans le village de Bagnac-sur-Célé, le camion de Cant'Avey'Lot s’apprête à effectuer sa tournée en commençant par la ferme voisine. Sur les hauteurs de la commune, Denis et Christelle Rauffet livrent à la coopérative 500 000 litres de lait par an. Des doutes et des nuits d'insomnie, le couple en a connu lorsqu'il fallut choisir de sauter dans l'inconnu. « Si nous n'étions pas chez Cant'Avey'Lot, aujourd'hui nous aurions surement arrêté le lait », reconnait Denis. « Quand on voit combien sont payés les autres producteurs de la région, on n'aurait jamais pu continuer ». Jean-Philippe Vayre concède que tout n'a pas été facile. Beaucoup n'ont pas cru en leur projet à commencer par ses propres parents. « Nous refusions des propositions à 210 euros la tonne sans aucune garantie que notre projet aboutisse », se souvient-il.
Munis de leur « bâton de pèlerin », les producteurs commencent par frapper à la porte des enseignes locales. A leur grande surprise, on les accueillent à bras ouverts. Toutes sont prêtes à démarrer le projet avec eux. Aujourd'hui, les 30 fermes de Cant'Avey'Lot sont parvenues à valoriser leur production à la hauteur de leur espérance. « Notre objectif de départ était d'arriver à vendre les 1000 litres à 400 euros, aujourd'hui on y est », se félicite Jean-Philippe. Une valorisation que la coopérative a pu atteindre grâce à la création d'une gamme de produits laitiers : yaourts, fromages et aligot. « Cela nous permet de maintenir une activité agricole dans la région car ici, on ne peut faire que de l'élevage », poursuit Vincent Rames. « Cela peut motiver des jeunes à reprendre des exploitations, car aujourd'hui, avec une rémunération de 300 euros la tonne, personne ne veut se lancer dans la production de lait et c'est normal, vu les contraintes et le travail que cela représente ».
Aujourd'hui, la petite coopérative est fière de ce qu'elle a accompli mais tout ne fait que commencer pour Jean-Philippe : « on a des projets plein la tête de développement de gamme mais il faut qu'on y aille par étape. C'est à dire qu'on structure le marché avant d'investir dans de nouveaux équipements », conclut-il, prudent. Prochaine étape ? Le 24 février au Salon de l'Agriculture pour rencontrer le public parisien.
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