Atténuer l'impact de la hausse du prix du porc pour les entreprises de charcuterie
Partager la page
Communiqué de presse du Médiateur des relations commerciales agricoles
Face à une hausse continue du cours du porc, le Médiateur des relations commerciales agricoles préconise une révision automatique du prix d'achat des produits charcutiers.
L’Interprofession nationale porcine (INAPORC) a, le 16 avril 2019, saisi le Médiateur des relations commerciales agricoles des difficultés rencontrées par les entreprises de charcuterie-salaisons du fait de la forte hausse des cours de la viande de porc intervenue depuis le début de l’année en conséquence de l'épidémie de peste porcine africaine déclarée en Chine. Entre le 1er janvier et le 3 juin 2019, le prix de la carcasse de porc a augmenté de 23% en France, 33,5% en Allemagne, 36,7% en Espagne, 33,7% au Danemark ; la moyenne européenne (26 pays) s’établissant à 31,3% sur la même période.
Cette hausse des prix est appelée à se poursuivre au-delà de la fin de l’année du fait de la propagation probable de la peste porcine africaine dans le monde et du déséquilibre ainsi créé entre la demande et la production de porcs.
Le Médiateur a interrogé l'ensemble des enseignes. Il se félicite qu’elles aient toutes engagé une renégociation avec leurs fournisseurs se traduisant dans la grande majorité des cas par une revalorisation à la hausse des tarifs des produits de charcuterie, tant en marque nationale qu’en marque de distributeurs (cf. éléments plus précis en annexe). Il constate toutefois qu’une part importante des renégociations n’a pas encore abouti pour plusieurs enseignes.
Le Médiateur formule six recommandations à destination de l'ensemble des acteurs de la filière porcine :
- (1) Concernant les renégociations qui n’ont pas abouti à ce-jour, le Médiateur invite industriels de la charcuterie-salaison et distributeurs à s'accorder d’ici la mi-juillet pour relever les prix d’achat prévus dans leurs conventions annuelles et leurs contrats à marque de distributeurs, afin de prendre en compte le renchérissement de la matière première, à hauteur de son utilisation dans la fabrication des produits alimentaires transformés. Le Médiateur sera tenu informé du résultat de ces renégociations afin de savoir si les prix d’achat ont été effectivement revalorisés.
- (2) Dans la perspective d’une hausse continue du cours du porc, le Médiateur recommande aux industriels et aux distributeurs d’introduire une clause de révision du prix d’achat dans leurs contrats de fourniture de produits à marques propres et leurs contrats à marque de distributeurs.
Cette clause librement négociée entre les parties prévoirait les modalités d'un ajustement automatique du prix d’achat contractuel, qui devrait fonctionner à la hausse comme à la baisse par référence à un ou des indicateurs de marché choisis par les parties. Les indicateurs de prix de marché des pièces de porc destinées à la charcuterie, en cours de mise en place par FranceAgriMer, constitueraient des outils adaptés à la clause de révision de prix recommandée.
Une telle clause viendrait utilement complémenter la clause obligatoire de renégociation prévue par l’article L.441-8 du Code de commerce, plus adaptée à une situation de remise en cause de l’ensemble de l’économie générale d’un contrat qu’à la nécessité de prendre en compte la forte variation d’une matière première agricole. Elle éviterait notamment de multiplier les renégociations du contrat en cours d’année, alors que la procédure de renégociation est longue et complexe. - (3) Le Médiateur engage les industriels à réaliser un effort de transparence à l’égard des distributeurs, permettant une prise en compte réaliste de la part des matières premières issues du porc dans les produits transformés et ce, dans le respect du secret des affaires et du droit de la propriété intellectuelle. Cette transparence constitue le corollaire à la mise en place d’une clause de révision de prix contractuelle.
- (4) À défaut de mettre en place une clause de révision des prix, les parties pourraient dans une première étape mettre en œuvre la clause de renégociation existante (article L.441-8 du Code de commerce) de manière plus opérationnelle afin d'aboutir rapidement à un résultat équivalent à celui d'une clause de révision.
Dans une première étape et à défaut d’une mise en place rapide d’une clause de révision des prix, le Médiateur recommande aux parties d’ajuster leurs prix d’achat en fonction des besoins sur la base d’une référence simple. Il préconise à cette fin que les distributeurs relèvent par paliers successifs les prix d’achat au kilogramme des produits charcutiers à due proportion de l’évolution en valeur absolue du kilogramme de porc vif tel qu’il est constaté sur le marché au cadran du porc breton ou sur tout autre marché pertinent choisi d’un commun accord entre les parties. - (5) Le Médiateur recommande qu’INAPORC se saisisse de la possibilité offerte par la réglementation européenne de proposer des clauses-types de renégociation (au titre de l’article L.441-8 du Code du commerce) et des clauses-types de révision de prix, telle que celle suggérée dans la présente recommandation.
- (6) Le Médiateur invite également l’interprofession à engager dès maintenant les réflexions sur les perspectives d’évolution de la production de porcs dans les prochaines années, afin de permettre aux éleveurs français d’anticiper les conséquences de la reprise de la production porcine en Chine, et plus généralement en Asie, une fois la crise sanitaire actuelle maîtrisée. Ces réflexions devraient notamment porter sur la montée en qualité permettant une différenciation compétitive et le développement des contrats tripartites.
Le Médiateur reste à la disposition des industriels, des distributeurs et de l’interprofession pour les aider à mettre en œuvre rapidement ces recommandations.
Annexe - Constats du Médiateur des relations commerciales agricoles sur les renégociations entre industriels de la charcuterie et leurs clients
Dans le cadre de la saisine par INAPORC relative à la hausse du prix de la viande de porc, la Médiation a sollicité les différentes enseignes de la distribution pour établir un point de situation, au 18 juin 2018, des renégociations en cours.
Il en ressort les éléments suivants :
- 1. Près de 75% des industriels de la charcuterie ont sollicité leurs clients de la grande distribution pour engager une renégociation face à la hausse des cours du porc.
- 2. Toutes les enseignes se sont engagées dans des renégociations tant sur les marques nationales que sur les produits sous marques de distributeurs (MDD).
- 3. Au 20 juin 2019, plus de deux-tiers des renégociations ont abouti à une revalorisation à la hausse des tarifs :
- Dans 15% de ces cas, les demandes des industriels ont été intégralement accordées, principalement au bénéfice des PME.
- Dans 85% des cas, les accords ont porté sur une revalorisation partielle par rapport à la demande exprimée par les industriels (les résultats observés présentent une grande variabilité avec une hausse négociée allant de 40% à 95% de la revalorisation demandée).
- 4. Dans un nombre très limité de cas (0,5% des demandes), il n’y a pas eu de revalorisation du prix.
- 5. Les revalorisations sont généralement liées aux efforts de transparence consentis par les industriels qui ont pu justifier, auprès de leurs clients, de l’impact de la hausse du cours du porc sur leur production.
- 6. Mis à part le cas de certains produits sous MDD (jambon, lardons…), dont les contrats sont généralement indexés sur les prix du Marché de Rungis, les renégociations ont consisté en une revalorisation des prix convenus dans les contrats existants. Cette revalorisation s’est généralement basée sur les évolutions constatées du prix de la matière première dans les premiers mois de 2019. Néanmoins, certains accords se sont basés sur une projection – partagée entre fournisseurs et industriels – des prix de la viande de porc en 2019.
- 7. Plus de trois mois après la hausse significative du prix du porc liée à la situation sanitaire en Chine, un nombre significatif d’accords sont donc toujours en cours de renégociation (un tiers des demandes). Si la situation est hétérogène au sein des enseignes, quelques-unes d’entre elles sont toujours en renégociation avec la très grande majorité de leurs fournisseurs. Au sein d’une même enseigne, la situation peut être différente entre les marques nationales et les MDD.
- 8. De manière générale, dans un contexte où le cours de la viande de porc est très incertain mais la tendance à la hausse fortement probable, les enseignes se disent toutes attentives à l’évolution du prix du porc et aux impacts potentiels sur leurs fournisseurs de charcuterie. Certaines ont d’ores et déjà prévu de faire un point de la situation avec leurs fournisseurs à compter de septembre. Le Médiateur invite les enseignes et leurs fournisseurs à maintenir un dialogue régulier afin d’anticiper au mieux les évolutions du cours du porc.
- 9. Enfin, il convient de souligner que les renégociations ont porté quasi exclusivement sur le prix. Pour les marques nationales, les enseignes déclarent qu’il n’y a pas eu de modification du plan d’affaires si ce n’est, dans certains cas, pour participer à des opérations promotionnelles permettant de soutenir le développement de l’activité de leurs fournisseurs. Pour les marques de distributeurs, les enseignes confirment qu’il n’y a pas eu non plus de renégociation sur d’autres éléments que le prix.
À télécharger
Voir aussi
Le médiateur des relations commerciales agricoles
23 octobre 2024Production & filières
Rentabilité et débouchés pour les élevages de porcs bio
23 octobre 2017Production & filières
Peste porcine africaine (PPA) : agir pour prévenir
17 septembre 2024Santé / Protection des animaux