Usage des pesticides en agriculture : effets des changements d’usage des sols sur les variations de l’indicateur NODU
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Nicolas Urruty [1], Jean Boiffin [2], Hervé Guyomard [3], Tanguy Deveaud [4]
Résumé
D’après le suivi de l’indicateur NODU, la consommation française de produits phytosanitaires a peu évolué entre 2008 et 2012 avec cependant des variations interannuelles relativement importantes. Dans cet article, nous estimons puis analysons l’effet des changements d’usage des terres sur l’évolution du NODU de 1989 à 2012. À cette fin, nous avons développé une méthode d’estimation visant à relier le NODU aux changements d’usage des terres. Les résultats montrent que ces derniers ont eu peu d’impact sur le NODU de 2008 à2012, les changements ayant eu principalement lieu à travers des substitutions entre cultu-res à intensité de consommation de pesticides voisine. Sur une plus longue période, les substitutions ont été différentes et leur impact sur l’utilisation globale des pesticides, plus important.
Mots clés
Pesticides, utilisation agricole des terres, indicateur, France
Le texte ci-après ne représente pas nécessairement les positions officielles du ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt. Il n’engage que ses auteurs.
Introduction
La France est le troisième consommateur mondial de produits phytopharmaceutiques (communément appelés phytosanitaires), derrière les États-Unis et la Chine, et le premier utilisateur européen (Zhang et al., 2011) [5]. A l’issue du « Grenelle de l’environnement » en 2007, notre pays s’est donné comme objectif de réduire de 50 %en dix ans, si possible, sa consommation totale de produits phytosanitaires. Cet objectif s’est traduit par la mise en place en 2008 du Plan Ecophyto [6], dont le premier axe de travail consiste à évaluer les progrès en matière de diminution de l’usage des produits phytosanitaires à l’aide d’un certain nombre d’indicateurs (Zahm, 2011). L’indicateur retenu pour le suivi global de cet usage est le « NOmbre de Doses Unités » (NODU) (Pingault et al., 2009). Déterminé à partir des déclarations obligatoires de vente des produits soumis à la redevance pour pollutions diffuses, le NODU exprime les quantités de produits phytosanitaires en termes de doses unitaires de substances actives appliquées. Il est calculé annuellement à l’échelle nationale mais, du fait de son mode d’obtention, ne peut être décomposé par culture. Les premiers résultats du suivi du plan Ecophyto, portant sur les années 2008 à 2012, montrent des fluctuations interannuelles du NODU de l’ordre de quelques pour cent (DGAL, 2012) et ne permettent pas de mettre en évidence aujourd’hui une tendance à la baisse ou à la hausse de la consommation globale de produits phytosanitaires depuis le début de la mise en œuvre du plan.
Les utilisations de produits phytosanitaires dépendent de facteurs eux-mêmes sujets à variations au cours du temps. Si on veut apprécier l’impact du plan Ecophyto, il faut identifier ces facteurs et analyser leur influence car certains peuvent interférer avec les évolutions engendrées par le plan lui-même, voire les masquer. Les facteurs les plus couramment invoqués sont la pression phytosanitaire exercée par les bio-agresseurs, qui varie notamment en fonction du climat, et les prix relatifs des produits végétaux et des intrants qui peuvent conduire les agriculteurs à se prémunir de façon plus ou moins précautionneuse contre les risques phytosanitaires. Un facteur moins souvent mis en exergue, et pourtant a priori important, est la répartition entre cultures de la surface agricole. En effet, compte tenu de la forte différenciation des régimes de protection phytosanitaire appliqués aux différentes cultures, et plus généralement aux différentes catégories d’usage de l’espace, aussi bien par la nature que par la quantité des produits phytosanitaires utilisés (Agreste, 2013b ; Butault et al., 2010), l’occupation des sols au niveau de la ferme France est potentiellement un déterminant de premier ordre de la consommation de produits phytosanitaires. Au cours du temps, l’évolution de cette occupation du sol, en réponse notamment à la conjoncture économique et aux mesures de politiques agricoles et environnementales, est donc susceptible d’influencer la quantité de produits phytosanitaires utilisés de façon plus ou moins importante, selon la manière dont évoluent les surfaces consacrées à chaquetype d’usage, et dont s’opèrent les substitutions entre cultures plus ou moins consommatrices de produits phytosanitaires. En plus de ce rôle direct, l’occupation des sols peut également impacter les risques phytosanitaires eux-mêmes, à travers l’incidence des successions culturales et des assolements sur le développement de certains bio-agresseurs, et ainsi jouer indirectement sur les fluctuations du NODU.
L’étude qui suit vise à évaluer l’effet direct des variations interannuelles de l’occupation des sols agricoles sur celles de la consommation totale de produits phytosanitaires à usage agricole en France métropolitaine, notamment pendant les cinq premières années d’application du plan Ecophyto. La démarche mise en œuvre consiste à déterminer pour chaque culture un coefficient fixe d’usage des pesticides par unité de surface (exprimé en unités NODU par hectare), puis, à l’aide de ces coefficients et des statistiques d’occupation des sols, à reconstituer une évolution fictive du NODU qui ne reflète que les variations de surfaces des différentes cultures. Sur la période 2008-2012, elle peut être confrontée aux variations observées du NODU, la plus ou moins forte convergence de ces deux courbes étant révélatrice de l’incidence des variations d’occupation des sols sur celles du NODU observé. Au-delà de cet aspect conjoncturel, en élargissant la période d’examen des variations fictives du NODU, on peut apprécier l’impact sur la consommation de pesticides de variations d’occupation de sols résultant de mesures politiques ou de tendances économiques ayant eu dans le passé une influence notable sur les choix productifs des agriculteurs, i.e. les choix en matière de cultures. L’intérêt des résultats obtenus amène finalement à identifier les améliorations qui seraient à apporter à la démarche pour à la fois étendre et affiner son application, notamment en envisageant des scénarios prospectifs.
1. Matériel et méthode
1.1. Principes de la démarche
1.1.1. Définition et calcul du NODU
Le NODU de la ferme France est calculé chaque année sur la base des ventes annuelles de produits phytosanitaires [7] en rapportant pour chaque substance active i les quantités totales de substances actives vendues (QSAi) pendant l’année t à une dose de référence dite « dose unité » (DUSAi, cf. encadré 1), et en sommant les ratios ainsi définis sur l’ensemble des substances actives :
Les « doses unité » sont propres à chaque substance active et constantes dans le temps. Elles permettent, pour chaque substance active, d’exprimer la quantité totale de cette substance consommée pendant l’année t en termes de nombre de doses unitaires appliquées. Ce faisant, le NODU permet de traduire l’intensité d’usage en pesticides indépendamment de la nature plus ou moins pondéreuse des substances actives qui composent les produits phytosanitaires. Ainsi, à titre d’exemple, le NODU permet de tenir compte des poids très différents de deux substances actives telles que le soufre et le quinoxyfène, dont les doses unitaires maximales autorisées sont respectivement de 10 000 et 50 g/ha, en les exprimant toutes deux sous la forme d’un nombre d’applications.
Le NODU est une grandeur dimensionnelle et s’exprime en hectares. Il correspond au cumul des hectares que les quantités vendues permettent de traiter par une dose unité de substance active. Néanmoins, pour éviter la confusion avec les évolutions de surfaces exprimées en hectares, nous exprimerons les variations du NODU en termes d’ « unités » (sous-entendu d’unités NODU).
1.1.2. Décomposition du NODU selon les différentes cultures traitées en France
Le calcul du NODU à partir des ventes de substances actives (cf. équation 1) ne permet pas de déterminer les contributions de chaque culture, puisque les utilisations ne sont pas enregistrées lors des ventes et qu’une même substance active peut être utilisée sur différentes cultures [8]. Pour capturer les effets sur le NODU des variations de l’occupation des sols et des modifications des pratiques de protection phytosanitaire utilisées sur les différentes cultures, il conviendrait de pouvoir calculer le NODU de façon alternative en le reliant directement aux surfaces consacrées à chaque culture et aux utilisations de produits phytosanitaires sur ces surfaces, selon l’écriture suivante :
Les informations sur les surfaces annuelles des différentes cultures sont disponibles dans les statistiques publiques (Agreste, 2012), ce qui n’est pas le cas des coefficients d’intensité d’usage en pesticides. Les Indices de Fréquence de Traitement (IFT) par culture estimés à partir des enquêtes « Pratiques Culturales » de 2011 (Agreste, 2013b) ne donnent pas directement accès aux coefficients αk car ils sont calculés à partir des doses de produits commerciaux appliquées et non sur la base des quantités de substances actives utilisées : quand un produit phytosanitaire appliqué au niveau de sa dose homologuée [9] contient plusieurs substances actives, chaque application de ce produit contribue, plus ou moins, à un point d’IFT, mais potentiellement à plusieurs unités NODU (Pingault et al., 2009). Nous avons donc retenu ici une approche simplifiée consistant à calculer des coefficients moyens d’intensité d’usage en pesticides pour chaque culture à dire d’experts, sur la base de leur connaissance des traitements phytosanitaires appliqués habituellement sur chaque culture. Ces coefficients sont propres à chaque culture mais arbitrairement considérés comme constants dans le temps. Ils permettent de calculer un NODU [surfaces], indicateur dont les variations dans le temps ne dépendent que des évolutions des surfaces consacrées à chaque culture, puisque les utilisations unitaires (i.e. par hectare) de produits phytosanitaires sont ici supposées constantes pour une culture donnée. Ce NODU [surfaces] est défini par l’équation suivante :
où NODU [surfaces]t est le NODU [surfaces] à la date t, et αk est le coefficient moyen d’intensité d’usage en pesticides de la culture k (exprimé en unités NODU par hectare) [10]. Ainsi défini et construit, le NODU [surfaces] capture l’influence des variations de surfaces consacrées aux différentes cultures sur la consommation totale de produits phytosanitaires.
1.2. Estimation des coefficients moyens d’intensité d’usage en pesticides par culture
Calculer le coefficient moyen d’intensité d’usage en pesticides d’une culture donnée consiste à déterminer le nombre de doses unitaires de substances actives appliquées annuellement en moyenne sur un hectare de cette culture. L’estimation de ce coefficient repose sur 1) l’identification des principaux programmes de traitement phytosanitaire utilisés sur cette culture et 2) l’estimation de leur importance relative mesurée en termes de parts de la surface totale de la culture traitées suivant chaque programme. Ce travail d’identification et d’estimation a été réalisé à partir d’une revue de la littérature technique (guides techniques édités par les coopératives agricoles [11] et les instituts techniques agricoles [12]), et de dires d’experts recueillis par interview.
Une autre approche eût été possible sur la base des informations et des données collectées dans le cadre des enquêtes « Pratiques Culturales » de 2011. Cette approche alternative aurait permis d’estimer les coefficients moyens d’intensité d’usage en pesticides de chaque culture (αk) de façon plus précise – mais seulement s’il était possible de considérer que les régimes de protection de chaque culture utilisés en 2011 correspondaient effectivement à des régimes de protection moyens, i.e. mis en œuvre dans des conditions pédologiques, climatiques, économiques, etc. moyennes. En outre, cette alternative aurait exigé des temps de recueil et de traitement des données nettement plus longs. L’objectif premier de notre travail est d’évaluer le sens et l’ampleur des variations du NODU qu’il est possible d’attribuer aux variations de la surface agricole totale et de la répartition de cette dernière entre les différents cultures ; il n’est pas de reproduire avec précision les variations du NODU observé. Dans ce contexte, l’important était alors de développer une méthode d’estimation des coefficients moyens d’intensité d’usage en pesticides applicable à chaque culture, au minimum à chaque culture d’importance, en prenant garde d’introduire des biais de traitement analytique et statistique entre cultures. Il nous semble que l’approche à dire d’experts apporte cette garantie, tout en étant non spécifique à une année donnée et en outre, plus facile à mettre en œuvre.
La démarche utilisée peut être décomposée en six étapes illustrées sur la figure 1 :
- étape 1 : pour chaque culture, détermination des principaux programmes de traitement phytosanitaire utilisés par grande catégorie de pesticides (herbicides, fongicides, insecticides, et une dernière catégorie résiduelle composée de régulateurs de croissance et de molluscicides) ;
- étape 2 : caractérisation de chaque programme de traitement retenu sur la base des principaux produits phytosanitaires qui le composent, et de leurs niveaux d’utilisation en référence à la dose homologuée (pleine dose, demi-dose, etc.) ;
- étape 3 : la composition en substances actives de chaque produit phytosanitaire étant connue, détermination pour chaque programme des quantités moyennes des différentes substances actives appliquées à l’hectare ;
- étape 4 : calcul du nombre d’unités NODU de chaque programme de traitement en rapportant les quantités de substances actives déterminées à l’étape 3 à leur dose unitaire de référence (DUSAi) ;
- étape 5 : pour chaque culture, détermination des importances relatives de chaque programme de traitement ainsi identifié à partir d’avis d’experts. Ces importances relatives sont mesurées par les parts des surfaces traitées selon chaque programme dans la surface totale consacrée à la culture considérée ;
- étape 6 : calcul, en combinant les informations des étapes 4 et 5, des coefficients moyens d’intensité d’usage en pesticides de la culture considérée.
Les informations mobilisées ci-dessus pour calculer les coefficients moyens d’intensité d’usage en pesticides des différentes cultures (coefficients ak) peuvent également être mises à profit pour calculer les IFT des différents programmes de traitement identifiés à dire d’experts. Pour les différents programmes de traitement herbicides, fongicides, insecticides ou autres appliqués sur une culture donnée, nous avons donc calculé un IFT « simulé » en rapportant les doses utilisées de chaque produit composant le programme de traitement considéré à sa dose de référence [13]. Les IFT ainsi simulés pour les différentes cultures peuvent alors être comparés aux IFT dits « observés » fournis par l’enquête sur les Pratiques Culturales de l’année 2011 (Agreste, 2013b), en distinguant les IFT « partiels » correspondant aux quatre grandes familles de pesticides. En dépit des différences méthodologiques entre notre approche à dire d’experts et celle utilisée dans le cadre des enquêtes sur les Pratiques Culturales, nous avons considéré que si, pour une culture et une catégorie de pesticides données, IFT « simulés » et IFT « observés » sont voisins, alors nous pouvons faire l’hypothèse que les principaux programmes de traitement identifiés par les experts représentent de façon satisfaisante, eu égard à l’objectif de l’étude, l’ensemble des traitements phytosanitaires mis en œuvre en pratique. Inversement, si IFT « simulés » et « observés » sont sensiblement différents, les principaux programmes de traitement identifiés et/ou les pondérations qui leur sont affectés ne sont pas quantitativement représentatifs de la réalité des traitements phytosanitaires appliqués aux cultures correspondantes. Dans ce cas, les répercussions des évolutions de surfaces risquent d’être sous- ou surévaluées. Afin de réduire le biais introduit par cet éventuel écart, les coefficients moyens d’intensité d’usage correspondants obtenus à l’issue des étapes 1 à 6 ci-dessus sont corrigés en multipliant les coefficients bruts de l’étape 6 par un facteur correctif égal au ratio de l’IFT « observé » sur l’IFT « simulé ». In fine, ce sont ces coefficients moyens d’intensité d’usage en pesticides des différentes cultures ainsi corrigés, qui sont utilisés pour calculer le NODU [surfaces].
1.3. Cultures prises en compte
La procédure d’estimation à dire d’experts décrite dans la section 2.2. ci-dessus a été appliquée à sept cultures (blé tendre, blé dur, orge d’hiver, maïs grain, maïs fourrage, colza et vigne) qui représentent, en 2012, 41 %de la Surface Agricole Utile (SAU) de l’Hexagone mais près de 75 %des utilisations des produits phytosanitaires d’après les résultats de notre étude. Les coefficients moyens d’intensité d’usage en pesticides de l’orge de printemps, du triticale, du tournesol, du pois protéagineux, de la betterave à sucre et de la pomme de terre ont été déterminés de façon plus sommaire : pour chacune de ces six cultures, le coefficient moyen d’intensité d’usage en herbicides, fongicides, insecticides ou autres pesticides a été fixé à partir des résultats des sept premières cultures étudiées, d’abord en calculant, pour ces sept cultures et pour chaque catégorie de pesticides le ratio moyen des coefficients αk sur IFT « observés », puis en appliquant ce ratio moyen aux IFT « observés » des six nouvelles cultures. Les cultures fruitières et légumières n’ont pas été prises en compte dans l’étude, faute de pouvoir leur appliquer soit la procédure complète de la section 2.2., soit la procédure simplifiée décrite ci-dessus, car les IFT « observés » à partir des enquêtes sur les Pratiques Culturales pour les fruits et légumes n’étaient pas encore disponibles quand nous avons réalisé les calculs nécessaires à l’étude. Enfin, nous avons fixé à zéro les coefficients αk des surfaces toujours en herbe, des prairies temporaires et des jachères.
2. Résultats et discussion
2.1. Coefficients moyens d’intensité d’usage en pesticides des cultures
La figure 2 présente les coefficients moyens d’intensité d’usage en pesticides (coefficients αk) des 13 principales cultures de France métropolitaine, estimés selon les deux procédures mentionnées précédemment, ainsi que les IFT observés correspondants. Cette même figure 2 fait également apparaître les IFT « partiels » correspondant aux 4 catégories de pesticides (herbicides, fongicides, insecticides et autres pesticides), ainsi que les αk « partiels » lorsqu’ils sont estimés selon la procédure à dire d’experts.
Le tableau 1 présente en outre, pour les 7 cultures traitées selon la procédure à dire d’experts, les différences entre les IFT « simulés » et les IFT « observés » pour chaque catégorie de pesticides et le ratio correspondant (IFT « simulé » sur IFT « observé »). Les résultats du tableau 1 valident l’approche à dire d’experts dans la mesure où les IFT « simulés » apparaissent proches des IFT « observés ». Toutefois, les rapports des IFT « simulés » sur les IFT « observés » des différentes catégories de pesticides étant souvent différents de l’unité, l’utilisation du facteur correctif décrit dans la section 2.2., est justifiée.
Les coefficients moyens d’intensité d’usage en pesticides (toutes catégories confondues) estimés selon la procédure à dire d’experts (cultures indexées (a) dans la partie supérieure de la figure 2) varient fortement selon les cultures, de 2,3 unités NODU par hectare pour le maïs fourrage à 11,7 unités NODU par hectare pour la vigne, reflétant en cela la diversité des niveaux de protection phytosanitaire selon les cultures. Alors que le maïs fourrage n’est traité quasi-exclusivement que par des herbicides (coefficient moyen égal à 2,2), la protection de la vigne est assurée par des herbicides (0,6), des insecticides (1,1) et surtout, de façon très majoritaire, des fongicides (10,1). Le coefficient moyen d’intensité d’usage en pesticides du maïs grain est légèrement supérieur à celui du maïs fourrage (2,6 vs 2,3). Dans les deux cas, les pesticides utilisés sont très majoritairement des herbicides. Les coefficients moyens d’intensité d’usage en pesticides du colza et des trois céréales (blé tendre, blé dur et orge d’hiver) sont du même ordre de grandeur (5,0 pour le colza et entre 4,5 et 5,6 pour les 3 céréales). Les traitements herbicides et fongicides dominent largement dans les cultures céréalières alors que la protection phytosanitaire du colza est plus équilibrée entre traitements herbicides, fongicides et insecticides.
Les coefficients moyens d’intensité d’usage de pesticides estimés à partir des IFT « observés » (cultures indexées (b) sur la figure 2) sont eux aussi très variables (de 2,5 pour le triticale à 18,1 pour la pomme de terre). Comme dans le cas précédent, on retrouve une forte variabilité des profils de contribution des différentes catégories de pesticides à l’IFT total, variabilité illustrée par le contraste entre, d’une part, le tournesol pour lequel prédominent les herbicides et, d’autre part, la pomme de terre pour laquelle prédominent les fongicides.
Les coefficients αk estimés à dire d’experts (partie supérieure de la figure 2) sont en tendance plus élevés que les IFT « observés » correspondants. Cela tient au fait que chaque apport de substance active incrémente les coefficients αk alors que ce sont les apports de produits commerciaux (qu’ils contiennent une ou plusieurs substances actives) qui incrémentent les IFT. Pour les apports de produits incluant plusieurs substances actives, l’incrémentation des coefficients αk est doncplus forte que celle des IFT.
L’écart entre le coefficient αk estimé et l’IFT « observé » correspondant est néanmoins variable ; dans le cas du colza et de la vigne il est même inversé, l’IFT étant alors légèrement supérieur au coefficient αk. Cette diversité de comportements a deux origines principales :
- d’une part, le poids relatif des différentes catégories de pesticides dans le régime de protection appliqué à la culture : c’est surtout dans les cas des herbicides et des fongicides que les produits commerciaux contiennent plusieurs substances actives, les produits insecticides étant le plus souvent composés d’une seule substance active. Les régimes de protection à prédominance d’herbicides et/ou de fongicides (cas des céréales à paille) correspondent donc à une forte supériorité des αk sur les IFT ;
- d’autre part, la modalité de calcul du coefficient αk à partir d’une référence identique pour toutes les cultures pour une substance active donnée, la DUSAi. En effet, si cette substance active est autorisée à des doses différentes dans des produits commerciaux homologués pour deux cultures différentes, l’application d’une dose homologuée de chaque produit incrémentera l’IFT d’un point dans chaque cas, mais le coefficient ak augmentera de façon différenciée : son accroissement sera plus élevé pour la culture sur laquelle la quantité de substance active appliquée est plus importante.
Ainsi, le comportement particulier du colza s’explique à la fois par l’importance des insecticides dans le régime de protection phytosanitaire qui lui est appliqué, et par le fait que les substances actives contenues dans les produits autorisés pour cette culture sont souvent homologuées à des doses plus faibles que dans le cas des céréales. L’écart constaté pour la vigne entre le coefficient αk et l’IFT « observé » relève des mêmes explications : parmi les fongicides utilisés pour lutter contre l’oïdium, les produits sont majoritairement composés d’une seule substance active et homologués à des doses le plus souvent inférieures à celles appliquées aux céréales.
Compte tenu de ces résultats, il apparaît que la procédure simplifiée appliquée aux six autres cultures de la figure 2, consistant à appliquer un ratio uniforme [14] aux IFT « observés » pour en déduire les coefficients αk, devrait être remplacée par la procédure à dire d’experts utilisée pour les sept premières cultures [15]. En effet, si les ratios des coefficients αk sur les IFT « observés » sont comme dans le cas des sept premières cultures étudiées différents selon les cultures, le fait de considérer arbitrairement un ratio identique peut fausser l’estimation des variations du NODU résultant des variations de surfaces affectées aux différentes cultures. Cependant, comme les six cultures auxquelles cette procédure simplifiée a été appliquée ne représentent au total qu’environ un quart du NODU, l’éventuel biais induit n’est pas susceptible d’altérer l’allure générale des variations du NODU total.
2.2. Évolution de l’occupation agricole des terres
2.2.1. Surfaces affectées aux différentes cultures
La figure 3 présente les évolutions des surfaces consacrées aux différentes cultures ou groupes de cultures en France hexagonale sur la période 1989-2012. Sur la période considérée, la SAU de l’Hexagone a diminué de 1,9 million d’hectares.
Les cultures dont les surfaces ont diminué depuis 1989, sont en premier lieu les surfaces toujours en herbe (diminution de 2 millions d’hectares entre 1989 et 2012, soit une baisse équivalente à celle de la SAU totale) dont le recul s’explique par la déprise agricole dans des zones difficiles (Lee and Slak, 2007) ou la mise en culture dans les zones plus favorables et lorsque ces prairies se situaient en terres labourables (Naizot, 2005 ; Poux et al., 2009) ; puis les surfaces en protéagineux (diminution de 500 000 hectares) principalement sous l’effet de la baisse des surfaces en pois (Duc et al., 2010) ; et enfin les cultures pérennes (diminution de 200 000 hectares) principalement sous l’effet des mesures d’arrachage des parcelles de vigne dans le Languedoc-Roussillon (Agreste, 2011).
Les seules cultures qui ont enregistré une augmentation significative des surfaces consacrées sont les oléagineux, principalement le colza. On distinguera trois sous-périodes : d’abord de 1989 à 1999, date à la laquelle les surfaces consacrées aux oléagineux atteignent un premier pic de 2,2 millions d’hectares ; puis la sous-période de baisse 1999-2004 dans le contexte de réduction sensible des aides couplées à la production d’oléagineux suite à la réforme de la Politique Agricole Commune (PAC) dite de « l’Agenda 2000 » ; enfin, à compter de 2005, une sous-période de forte augmentation induite pour l’essentiel par le développement du biodiesel (Guindé et al., 2008). En 2012, les surfaces en oléagineux représentaient 2,3 millions d’hectares, soit quasiment 1 million d’hectares de plus qu’en 1989.
Les surfaces consacrées aux autres cultures (céréales, fourrages annuels, cultures industrielles) ne présentent pas d’évolution tendancielle nette, à la hausse ou à la baisse, mais subissent des variations interannuelles importantes sous le jeu, principalement, des réformes successives de la PAC et des fluctuations des prix agricoles (Gohin, 2011). Si l’on s’intéresse plus précisément aux variations de surfaces du blé tendre, on peut remarquer un parallèle intéressant avec les variations de surfaces en jachères (figure 4), ces dernières étant fortement influencées par les politiques agricoles. En effet, l’application en 1992 de la réforme de la PAC s’est traduite par l’instauration d’un gel obligatoire sur 15 %des terres arables de l’exploitation afin de limiter la surproduction agricole et notamment céréalière. Ce taux de gel a ensuite été régulièrement modifié, comme en témoigne l’évolution des surfaces en jachères entre 1994 et 2008, pour orienter l’évolution des surfaces céréalières, soit à la baisse comme en 1992, soit à la hausse comme en 2004 où, suite à un épisode de froid intense et une baisse des prix, les surfaces en blé tendre s’étaient fortement réduites (Agreste, 2013a). Plus récemment, l’occurrence de prix exceptionnellement hauts explique le record atteint en 2008 pour les surfaces cultivées en blé tendre (5 millions d’hectares).
La période d’application du plan Ecophyto, de 2008 à 2012, est marquée par la poursuite de la baisse de la SAU totale, la chute des surfaces en jachères du fait de la fin de l’obligation de gel, le recul des surfaces en céréales jusqu’en 2011, le maintien des surfaces en fourrages annuels et en cultures industrielles et la montée continue des surfaces en oléagineux. Comme expliqué ci-dessus, les fluctuations interannuelles sont particulièrement marquées pour le blé tendre entre 2008 et 2010.
2.2.2. Surfaces correspondant à différents niveaux d’intensité d’usage des pesticides
À titre de première approche de l’impact des évolutions de l’occupation des sols sur l’usage de produits phytosanitaires, on peut distinguer les surfaces occupées par des cultures non consommatrices de pesticides (surfaces toujours en herbe, prairies temporaires et jachères), les cultures ayant un coefficient ak strictement inférieur à 5 (blé dur, orges d’hiver et de printemps, triticale, maïs grain, tournesol, pois protéagineux, maïs fourrage et autres fourrages annuels), et les cultures ayant un coefficient ak supérieur ou égal à 5 (blé tendre, colza, vigne, betterave sucrière et pomme de terre). La figure 5 présente les évolutions relatives à ces trois groupes de cultures.
Sur l’ensemble de la période 1989-2012, les surfaces des cultures non consommatrices de produits phytosanitaires présentent une tendance moyenne à la baisse (– 0,46 %par an). Sur cette même période, les surfaces consacrées aux cultures modérément consommatrices de produits phytosanitaires présentent également une tendance à la baisse, d’ampleur légèrement plus élevée (– 0,68 %par an). On note enfin une tendance à la hausse des surfaces consacrées aux cultures fortement consommatrices de produits phytosanitaires, qui est en moyenne de 0,65 %par an. En fait, la diminution des surfaces sans usage de produits phytosanitaires (jachères et prairies) correspond pour une part à une déprise agricole, mais aussi à des transferts au bénéfice de cultures plus ou moins consommatrices. Globalement, les tendances d’évolution de l’occupation des sols sur la période 1989-2012 ont donc joué dans le sens d’un accroissement d’usage des produits phytosanitaires, indépendamment de l’évolution de l’intensité de protection propre à chaque culture.
Cette vision globale sur une longue période intègre des évolutions contrastées si on considère différentes sous-périodes. Entre 1989 et 1994, les surfaces consacrées aux cultures fortement et modérément utilisatrices de produits phytosanitaires ont toutes deux diminué au bénéfice des surfaces allouées aux cultures non consommatrices. On trouve ici, en particulier, l’impact de l’obligation de gel des terres à l’occasion de la réforme de la PAC de 1992 qui a eu pour conséquence directe d’accroître les surfaces mises en jachère obligatoire au détriment, principalement, des surfaces en blé tendre, en orge d’hiver et en colza. Entre 1994 et 2008, l’augmentation des surfaces consacrées aux cultures fortement utilisatrices (hausse des surfaces en blé tendre et en colza) a été plus importante que la baisse des surfaces allouées aux cultures modérément consommatrices (baisse des surfaces en pois). Depuis 2008, les surfaces allouées à ces deux catégories de cultures sont stables, malgré quelques variations interannuelles.
Les surfaces en fruits et légumes, non prises en considération dans la suite de l’article, ont présenté des évolutions de surfaces peu marquées entre 1989 et 2012 (figure 3). Cela suggère que les évolutions interannuelles des surfaces de cette catégorie de cultures pèsent probablement peu dans les variations d’usage des produits phytosanitaires sur la période considérée.
2.3. Évolution du NODU [surfaces]
2.3.1. Contributions des différentes cultures
La figure 6 présente les évolutions sur les années 1989-2012 des NODU [surfaces] estimés pour les cultures et agrégats de cultures suivants : blé tendre, autres céréales (orge d’hiver, orge de printemps, blé dur, triticale, maïs grain), vigne, oléagineux (colza et tournesol), cultures industrielles (pomme de terre et betterave à sucre), fourrages annuels (maïs fourrage) et protéagineux (pois protéagineux). Rappelons que faute de pouvoir calculer les coefficients moyens d’intensité d’usage en pesticides des cultures fruitières et légumières, il n’est pas possible de calculer un NODU [surfaces] pour ces deux catégories de cultures.
L’étagement sur l’axe des ordonnées des courbes relatives aux différentes cultures traduit la forte différenciation de leurs contributions respectives à la consommation totale de produits phytosanitaires. Rappelons que ces contributions et leur différenciation sont la résultante de deux facteurs multiplicatifs : les surfaces emblavées et les coefficients moyens d’intensité d’usage en pesticides (αk). Le blé tendre arrive ainsi en première position sous le double jeu d’un coefficient moyen d’intensité d’usage en pesticides élevé (coefficient αk égal à 5,6) et d’une sole importante (4,7 millions d’hectares, soit 16 %de la SAU hexagonale en moyenne sur la période 1989-2012). Par contraste, c’est principalement la très forte intensité d’usage en pesticides (coefficient αk égal à 11,7) qui explique le NODU [surfaces] élevé de la vigne (10 millions d’unités NODU) dans la mesure où les surfaces en vigne ne représentent en moyenne que 885 000 hectares sur la période 1989-2012 (soit moins de 3 %de la SAU hexagonale). C’est aussi parce que les surfaces consacrées au pois protéagineux sont faibles (429 000 hectares en moyenne sur la période 1989-2012) que le NODU [surfaces] de cette culture, qui a un coefficient moyen d’intensité d’usage en pesticides de 4,4, conduit à ce qu’elle se classe en dernière position.
Le tableau 2 présente les contributions des différentes cultures au NODU [surfaces] et les tendances d’évolution sur la période 1989-2012. En termes d’évolution sur l’ensemble de cette période, on peut distinguer les cultures dont le NODU [surfaces] a tendance à fortement augmenter (oléagineux), celles dont le NODU [surfaces] à tendance à fortement diminuer (protéagineux), et enfin celles dont le NODU [surfaces] ne présente pas d’évolution tendancielle nette, à la hausse ou à la baisse (blé tendre, autres céréales, cultures industrielles, vigne et fourrages annuels).
On note par ailleurs des variations interannuelles qui peuvent être très importantes. C’est le cas, par exemple, du NODU [surfaces] du blé tendre qui peut varier, à la hausse ou la baisse, de plusieurs millions d’unités NODU d’une année à l’autre : la baisse de 2 millions d’unités en 1993 peut être mise en relation avec la politique de gel obligatoire décidée en 1992 qui a principalement touché les céréales et au sein de celles-ci, le blé tendre ; à l’inverse, l’augmentation de 1,6 million d’unités en 2008 peut être rapprochée de la flambée des prix agricoles des derniers mois de l’année 2007 et des premiers mois de l’année 2008 qui a incité les producteurs agricoles à accroître les emblavements en blé tendre. On notera également qu’une variation annuelle importante du NODU [surfaces] d’une culture peut être suivie d’une variation en sens inverse tout aussi importante l’année suivante : c’est le cas, par exemple, du NODU [surfaces] du blé tendre entre 2001 et 2004, ou encore en 2008 et 2009, en lien avec les variations de surfaces commentées précédemment (cf. paragraphe 3.2.1.).
2.3.2. Estimation du NODU [surfaces] agrégé
Rappelons que le NODU [surfaces] agrégé est calculé en sommant les NODU [surfaces] des différentes cultures ou groupes de cultures pour lesquels il a été possible d’estimer un coefficient moyen d’intensité d’usage en pesticides, c’est-à-dire à l’exclusion des cultures fruitières et légumières. Le NODU [surfaces] ainsi calculé est égal à 69,2 millions d’unités NODU en moyenne sur l’ensemble de la période 1989-2012. Ses variations au cours de cette période sont présentées sur la figure 7. On ne distingue pas de tendance générale, à la hausse ou à la baisse, sur l’ensemble de cette période. On observe néanmoins des variations très importantes selon les sous-périodes. Ainsi le NODU [surfaces] baisse de 7,7 %en 1993 (5,5 millions d’unités NODU) et encore de 0,6 %en 1994 (0,4 million d’unités NODU) aux lendemains de la réforme de la PAC de 1992 dans le cadre de la mise en œuvre d’un gel des terres obligatoire. Cette première phase de baisse est suivie d’une phase d’augmentation jusqu’en 1998 qui peut être mise en regard avec la diminution du taux de gel obligatoire (15 %en 1993 et 20 %en 1994, puis 13,3 %en 1994, 10 %en 1996, 5 %en 1997 et 1998 – pourcentages de taux de gel réglementaire dans le cadre du régime de gel dit « rotationnel ») et de la bonne tenue des prix agricoles des céréales et des oléagineux. Entre 1998 et 2004, le NODU [surfaces] fluctue à la hausse ou la baisse. Entre 2004 et 2008, il a tendance à croître avec un pic en 2008, année où le taux de gel obligatoire a été fixé à zéro et les prix agricoles ont atteint un sommet. Depuis 2009, le NODU [surfaces] est stable à 70 millions d’unités NODU : sur cette dernière sous-période, les substitutions se font essentiellement entre cultures qui ont des coefficients moyens d’intensité d’usage en pesticides proches, la diminution des surfaces en blé tendre (αk de 5,6) et en orge d’hiver (αk de 4,6) étant compensée par l’augmentation des terres en colza (αk de 5,0) et, dans une moindre mesure, en orge de printemps (αk de 4,2). Cette évolution du NODU [surfaces] sur la sous-période 2008-2012 peut être mise en regard de celle du NODU observé, i.e. calculé à partir des ventes de substances actives (courbe rouge de la figure 7) [16]. Sur ces années, les variations interannuelles du NODU [surfaces] sont nettement plus faibles que celles du NODU observé. Ceci veut dire qu’il n’est vraisemblablement pas possible d’imputer la forte variabilité interannuelle du NODU observé aux variations annuelles des surfaces consacrées aux différentes cultures. Cette forte variabilité est donc imputable à celle des intensités d’usage propre à chaque culture, elle-même résultant de différents facteurs et modalités d’adaptation annuelle des décisions de traitement.
Conclusion
Depuis le lancement du plan Ecophyto en 2008, les variations de l’occupation des sols ont, selon toute vraisemblance, eu peu d’influence sur l’évolution de la consommation totale en pesticides en raison de la relative stabilité des assolements depuis cette date et de la façon dont se sont réalisés les changements d’occupation du sol. Les cultures qui se sont substituées les unes aux autres ayant des coefficients d’intensité d’usage en pesticides proches, les variations interannuelles observées du NODU depuis 2008 seraient donc avant tout dues à une adaptation des pratiques de protection phytosanitaire des agriculteurs face aux variations interannuelles de la pression des bioagresseurs et/ou de la conjoncture économique, plutôt qu’à des modifications de l’occupation des sols.
L’analyse de l’évolution de l’occupation des sols sur une plus longue période a néanmoins montré que d’autres formes de substitution ont eu lieu par le passé et ont eu des effets bien plus marquants sur la consommation globale en pesticides. Dans le futur, si les modalités de substitution auxquelles on a assisté ces dernières années viennent à changer, et si les transferts de surfaces s’opèrent entre cultures ou occupations du sol à intensités d’usage en pesticides plus contrastées, l’influence des variations de l’occupation des sols sur le NODU pourrait être plus importante. Il est donc important de mieux prendre en compte ces variations dans le suivi du plan Ecophyto. Dans cette perspective, il y a matière à améliorer la méthode élaborée et utilisée dans le cadre de cette étude à caractère exploratoire. L’approche consistant à identifier des programmes-types à dires d’experts, à laquelle on a eu recours dans ce travail, mériterait d’être complétée pour les cultures encore non directement documentées ; elle mériterait également d’être précisée, notamment à travers les résultats des enquêtes Pratiques Culturales 2011 en exploitant les indications sur les produits effectivement utilisés. Cela permettrait de calculer plus précisément les nombres de doses unitaires de substances actives utilisés en moyenne par hectare et par culture en France.
Par ailleurs, l’approche présentée ci-dessus fait l’impasse sur les variabilités interrégionales. Les variations interrégionales des intensités d’usage de pesticides pour une même culture sont, dans certains cas, aussi importantes que les variations entre cultures. De même, les tendances d’évolution de l’occupation des sols sont elles aussi différentes selon les régions. Ainsi, l’extension d’une culture dans une région où elle est fortement exposée aux bioagresseurs en raison des conditions du milieu et où elle fait donc l’objet d’une forte fréquence de traitement, se traduira par une augmentation de la consommation de pesticides plus forte que dans une région moins favorable aux bioagresseurs. L’accroissement de densité d’une culture dans l’espace et dans le temps peut aussi entraîner, dans les régions où cette densité est déjà assez élevée, une augmentation des risques phytosanitaires et de l’usage des pesticides. Il y aurait donc grand intérêt à prolonger, développer et affiner ce travail à l’échelle régionale, y compris pour mieux interpréter les évolutions nationales de l’indicateur NODU.
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[1] Inra - Centre Siège - Unité CODIR - 147 rue de l’Université - 75007 Paris et Université de Poitiers (PRES France CentreAtlantique Université) - 15 rue de l’Hôtel Dieu - 86000 Poitiers.
[2] Inra - Centre Angers-Nantes - 42 rue G. Morel BP60057 - 49071 Beaucouzé Cedex.
[3] Inra - Centre Siège - Unité CODIR - 147 rue de l’Université - 75007 Paris.
[4] Inra - Centre Siège - Unité CODIR - 147 rue de l’Université - 75007 Paris et AgroParisTech - 16 rue Claude Bernard -75005 Paris.
[5] Les auteurs remercient la DGAL (et tout particulièrement Marie Luccioni) pour la fourniture des données relatives au calcul du NODU, ainsi que les différentes personnes sollicitées dans le cadre de cette étude et ayant accepté d’apporter leur expertise sur les programmes phytosanitaires : Bernard Couloume (Bayer CropScience), Franck Duroueix (Cetiom), Laurence Guichard (Inra), Manon Le Breton (Inra), Bernard Molot (IFV), Laurent Ruck (Cetiom) et Delphine Tailliez-Levebvre (Union InVivo).
[6] http://agriculture.gouv.fr/ecophyto
[7] Pour plus de détails, se reporter à la note méthodologique du NODU éditée par le Ministère en charge de l’agriculture : http://agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/...
[8] C’est le cas, par exemple, du soufre qui peut être utilisé à la fois sur le blé pour lutter contre l’oïdium, sur la vigne pour lutter contre le mildiou et l’oïdium, sur le pommier pour lutter contre la tavelure, etc.
[9] Chaque produit phytosanitaire autorisé à l’emploi en France est caractérisé par une dose homologuée qui correspond la dose efficace d’application d’un produit sur une culture et pour un organisme cible donnés. Pour un même produit, elle peut donc varier selon les cultures et les bioagresseurs cibles (ACTA, 2013).
[10] Comme indiqué infra, les variations du nodu à la fin de la sous-section 2.1.1, les variations du NODU sont exprimées en termes d’unités NODU. Il en est de même pour le NODU [surfaces]. Les coefficients moyens d’intensité d’usage de pesticides de chaque culture sont donc exprimés en nombres de dose unité.
[11] Interval (Guide cultural 2012), Groupe Capel (Guide Vigne 2013), Champagne Céréales (Guide de protection des cultures 2012), EMC2 (Guide technique d’agriculture raisonnée 2013), Comptoir agricole (Guide technique 2013).
[12] Arvalis - Institut du Végétal (Guides Choisir) et Cetiom (Guide de culture du colza 2012).
[13] Pour le calcul de l’IFT, la dose de référence d’un produit phytosanitaire correspond, pour chaque culture, à la plus petite dose homologuée parmi les différentes cibles possibles.
[14] Les ratios uniformes appliqués aux 6 cultures indexées (b) dans la partie inférieure de la figure 2 sont égaux à 1,4 pour les herbicides, 1,1 pour les fongicides, 0,9 pour les insecticides et 1,9 pour la catégorie des autres produits phytosanitaires.
[15] Il s’agira d’un approfondissement naturel de la présente étude.
[16] L’écart sur la sous-période 2008-2012 entre le NODU [surfaces] et le NODU observé (respectivement, 70 et 83 millions d’unités en moyenne) s’explique pour partie par le fait que notre étude ne prend en compte ni les fruits et légumes, ni les produits phytosanitaires de post-récolte appliqués sur plusieurs productions agricoles.