Un portail de données pour l'innovation en agriculture : la synthèse du rapport
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Jean-Marc Bournigal, président de l'IRSTEA, a remis ce mardi 10 janvier un rapport sur le portail des données agricoles à Stéphane Le Foll et Axelle Lemaire, Secrétaire d'Etat au Numérique et à l'Innovation. L'objectif : faciliter l’accès à des données et accélérer les processus de développement de connaissances, de modèles, et in fine de services à l’agriculture.
La synthèse du rapport Bournigal
Suite aux recommandations de la Mission Agriculture Innovation 2025, les ministres de l’Agriculture, de la Recherche et de l’Économie ont confié à Jean-Marc Bournigal une mission visant à :
- Préparer la mise en place opérationnelle d’un portail de données agricoles,
- Proposer un plan d’action pour favoriser l’émergence de nouveaux services à partir des données du portail.
Comme dans les autres secteurs économiques, il y a en agriculture un enjeu fort à collecter et à traiter des données en vue d’en tirer des informations inédites et des modèles innovants sur la base desquels développer des services nouveaux. Cette opportunité n’a pas échappé non seulement aux géants de l’agrofourniture qui cherchent à intégrer l’ensemble de la chaîne, de la collecte de données à la vente de produits accompagnés de services, mais aussi aux GAFAs (Géants du Web : Google, Apple, Facebook, Amazon) qui commencent à s’intéresser à l’agriculture, nouveau domaine d’action après le commerce, la banque et la santé.
La concentration de telles ressources dans les mains de quelques acteurs génère des inquiétudes quant à l’indépendance des agriculteurs, voire la souveraineté alimentaire. C’est pourquoi, il est urgent de proposer une alternative, dans laquelle la profession agricole reste maître des données qu’elle produit, et qui facilite leur valorisation, via un schéma d’innovation ouverte à de multiples acteurs. Cette stratégie d’innovation ouverte permet d’opposer à la puissance de grands opérateurs la multiplicité et l’agilité de petites sociétés dans un écosystème dans lequel concurrence et synergies seront favorisées.
Accélèrer les processus de développement de connaissances, de modèles et de services à l’agriculture
C’est pourquoi il a été proposé de créer un portail de données à vocation agricoles, avec l’objectif de faciliter l’accès à des données d’intérêt, de différentes natures et interconnectables, issues du secteur public et du secteur privé. L’accès à ces données accélèrera les processus de développement de connaissances, de modèles, et in fine de services à l’agriculture.
Lors de cette mission visant à instruire la mise en place opérationnelle de ce portail, ont été plus particulièrement étudiés: la gouvernance, la structure juridique, les jeux de données à mobiliser, les fonctionnalités attendues, les points techniques critiques (sécurisation, accès, interconnexion, anonymisation…), les besoins de recherche en accompagnement, le modèle économique, le plan de financement et le calendrier prévisionnel en liaison avec la profession agricole. Après l’analyse des facteurs de risque et des facteurs de réussite, des propositions concrètes sont faites.
Les points essentiels du rapport
Les fonctionnalités du portail
- Un « Guichet Unique » : l’accès à des jeux de données d'intérêt agricole, publiques et privées, qui restent stockées sur les plateformes de leurs propriétaires. Ce guichet assurera l’inventaire, le référencement, la recherche et le croisement des données, qui peuvent être ouvertes sous conditions, par exemple avec des licences spécifiques ou contre rétribution ;
- un « Magasin Numérique » pour un retour rapide vers les fournisseurs de données. Cet espace offrira des outils simples de traitement (statistiques, géostatistiques) ou de présentation des données (cartographie…) ; il pourra donner accès à des référentiels par région, par secteur, par type d’exploitation, services gratuits destinés aux agriculteurs ;
- un "Cloud Agriculteurs" pour héberger les données professionnelles des agriculteurs ;
- un « Espace d’échanges » entre acteurs de la profession agricole, pour partager expériences, savoir-faire, idées, etc. et pour créer une dynamique d’innovation ;
- une « Vitrine d'OAD » assortie d’une évaluation participative, espace dans lequel des Outils d’Aide à la Décision (OAD) et les services existants sur le marché seront présentés et évalués ou commentés par les utilisateurs (un concept dénommé "TripAdvisor des OAD »).
La profession agricole aux commandes d'un outil mutualisé inédit
L’enjeu principal du portail milite pour une gouvernance privilégiant la confiance et la mobilisation du monde agricole. Ainsi, il est essentiel que ce projet soit porté par un consortium de quelques acteurs économiques du monde agricole (coopératives, filières, banques, assurances, structures d’investissement...). Pour assurer son opérationnalité, une structure de type SAS est préconisée.
Pour sa gouvernance stratégique, un comité d’orientation stratégique garant des conditions d’utilisation, de la déontologie et de l’éthique, mais aussi de l‘animation de l’écosystème d’innovation, en lien avec les professions concernées devra rassembler a minima, les représentants des syndicats agricoles, l'APCA, COOP de France, la CNMCCA, des représentants du secteur de l’agrofourniture, des représentants de la recherche, des représentants des ministères en charge de de l’agriculture et du numérique, et des personnalités qualifiées du secteur numérique.
L’équilibre de ce comité comme les principes de la création du portail pourraient utilement être validés lors d’un comité d’orientation stratégique du ministère en charge de l’agriculture.
Bâtir une gouvernance des données et une protection juridique appropriée
Le portail a pour objet de mettre à disposition du public des données et services numériques.
Créer un portail d’une telle nature suppose, d’une part, de respecter un certain formalisme juridique, incluant la mise en ligne de mentions légales sur le site et, d’autre part, de protéger juridiquement les données accessibles sur le site, notamment par la mise en place d’une gouvernance des données, via un cadre contractuel définissant les modalités de mise à disposition et de réutilisation des données publiques ou privées qui alimenteront le portail, pour chaque utilisateur privé ou public
Deux dispositifs sont prévus: les Conditions Générales (CG), qui s’adressent aux fournisseurs de données et édictent les règles liées au dépôt, et les Conditions Générales d’Utilisation (CGU), qui s’adressent aux utilisateurs de données.
Un inventaire des données à mobiliser a été dressé. Il a permis d’identifier un premier socle d’une soixantaine de bases « qualifiées » (c’est-à-dire bien décrites du point de vue des métadonnées), publiques ou privées, le double avec des bases non décrites. Cet inventaire devra être régulièrement mis à jour.
Concilier performance du moteur de recherche, anonymisation et sécurité
Un cahier des charges a été dressé pour lister les fonctions nécessaires aux 3 acteurs du portail : les administrateurs, les fournisseurs et les utilisateurs de données. Au-delà de ce cahier des charges qui décrit des fonctions assez classiques de portails de données, il convient d’insister sur les « point durs » liés à la nature particulière des données et à l’ambition du portail.
- Guichet unique et la recherche de données : l’approche préconisée, pour conjuguer rapidité de mise en place et efficacité du portail, est la fédération des bases de données distribuées, c’est-à-dire de données qui resteront stockées chez les différents fournisseurs.
- Anonymisation des données : Plusieurs techniques d’anonymisation devront être déployées en fonction de l’usage qui sera fait des données tels que l'accroissement de la granularité, la confidentialité différentielle ou encore le brouillage (par décalage aléatoire) des coordonnées géographiques. Ainsi, il s’agira en parallèle de sensibiliser la profession agricole sur l’enjeu de ne garder confidentielles que les données les plus stratégiques.
- Sécurité : L’approche « bases de données distribuées » est un atout car elle évite de gérer la sécurité des bases de données, qui relève de chacun des fournisseurs. L'accès au système devra être sécurisé et ne pas présenter de faille de sécurité connue, avec des mises à niveau régulières du dispositif de sécurité. Les échanges monétaires devront être tout particulièrement sécurisés.
L'animation, essentielle pour créer la confiance et « acquérir du trafic »
Ce portail de données est une initiative unique au monde pour favoriser l’innovation ouverte au service de l’agriculture.
Un premier niveau d’animation consiste à une communication efficace et une collaboration avec les fournisseurs et les producteurs de données : co-construction des fonctionnalités du portail dans un approche de design thinking, information régulière sur les nouveautés du portail (par exemple dans le magasin numérique), statistiques de production pour les agriculteurs, voire activités plus ludiques (concours, crowd-sourcing…).
Côté « utilisateurs de données », un programme sera élaboré pour générer rapidement des applications emblématiques à partir des données du portail, faisant ainsi pour l’agriculture la démonstration de l’intérêt de la démarche.
Construction du portail : calendrier et modèle économique
Le temps nécessaire à la mise en place du portail est estimé à 3 ans avec une première phase de construction (12-15 mois) et une phase de lancement (21-24 mois).
La « phase de construction » est destinée à la mise en place de l’équipe, à la construction informatique des modules pour les fonctionnalités centrales (a minima le « guichet unique ») et aux actions d’animation (challenges, hackathons) dans l’objectif d’avoir des illustrations d’application à placer sur le portail dès son ouverture. La « phase de lancement » a vocation à développer les modules complémentaires et à assoir l’acquisition de trafic.
Le Lab, un blog au cœur de la République numérique
Positionner le ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt au cœur de la République numérique, c’est l’objectif du blog Le Lab, en ligne depuis fin décembre Tumblr. Véritable laboratoire numérique, ce nouveau média est la vitrine de toutes les innovations numériques du ministère et de ses opérateurs.
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