12 avril 2023 Publication

Retour d’expérience sur la gestion de l’eau lors de la sécheresse 2022

  • Nathalie BERTRAND (IGEDD)
  • Patricia BLANC (IGEDD)
  • Céline DEBRIEU-LEVRAT (IGEDD)
  • Virginie KLES (IGA)
  • Sophie PLANTE (IGA)
  • Pascale CAZIN (CGAAER)

Une mission interministérielle a été chargée de dresser un retour d’expérience de la gestion de la crise sècheresse de 2022.

En-tête Lettre CGAAER 174
sol sec
© Xavier Remongin/Min.agri

Enjeux

La sécheresse qu’a connue l’Europe et particulièrement la France en 2022 est probablement la plus sévère depuis au moins un demi-siècle, conjuguant déficit de précipitations et températures records. Elle fait suite à plusieurs années de sécheresses récurrentes depuis 2018, à la seule exception de l’année 2021. Pourtant, ce phénomène aujourd’hui considéré comme extrême pourrait n’être qu’un épisode moyen d’ici la fin du XXIème siècle.

Dans ce contexte, les ministres chargés de l’écologie, de l’intérieur, de l’agriculture et de la santé, ont souhaité dresser un retour d’expérience partagé de la gestion de l’eau lors de l’épisode de sécheresse de l’été 2022 et déterminer les évolutions à mettre en œuvre pour améliorer la gestion de crise lors de sécheresse et pour contribuer au guide national de gestion de crise.

Méthodologie

La mission interministérielle était composée de Patricia Blanc, Nathalie Bertrand, Céline Debrieu-Levrat pour l’IGEDD, Virginie Kles et Sophie Plante pour l’IGA et Pascale Cazin pour le CGAAER.

Elle a rencontré les acteurs nationaux : directions générales d’administration, associations environnementales, fédérations de métiers… Toutes les agences de l’eau ont été auditionnées, majoritairement en présence, et la situation de 27 départements a été examinée. Au total plus de mille personnes ont été entendues lors de cette mission qui s’est déroulée d‘octobre 2022 à février 2023.

Résumé

Le premier constat est celui de la persistance de vulnérabilités de notre système de production et de distribution d’eau potable face au changement climatique : plus d’un millier de communes ont dû mettre en place cet été des mesures exceptionnelles de gestion pour approvisionner leurs habitants. Parmi elles, 343 ont dû transporter de l’eau par camion et 196 distribuer des bouteilles d’eau, ne pouvant plus délivrer d’eau au robinet. Aucune grande ville n’a connu de rupture d’alimentation bien que certaines n’en soient pas passées loin.

Plus de 1 200 cours d’eau étaient totalement asséchés au 1er août 2022 et de nombreuses mortalités piscicoles et destructions d’habitats, potentiellement irréversibles, ont été observées.

Certaines filières agricoles ont connu des baisses importantes de rendements, de 10 à 30 % mais c’est surtout la situation des prairies qui marquera l’année 2022. La production cumulée de ces dernières a été inférieure de 33 % à la moyenne des vingt dernières années

La production d’électricité d’origine hydraulique est, selon RTE, inférieure de 20 % par rapport à la moyenne 2014-2019.

Certains territoires qui pensaient disposer de ressources durables et sécurisées, notamment en aval de secteurs de montagne, se sont trouvés pour la première fois confrontés à la sécheresse.

L’épisode est survenu alors même que le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires venait de publier en 2021 un nouveau guide national sur la gestion de crise de l’eau. L’été 2022 a constitué un premier test du dispositif proposé dans le guide. Celui-ci a globalement fait ses preuves, même si des améliorations peuvent lui être apportées tant dans sa conception que dans sa mise en œuvre.

La mission formule des recommandations pour améliorer l’anticipation et la gestion pluriannuelle de ces épisodes de sécheresse, connaître en temps réel les impacts et les réduire et, enfin, objectiver les enjeux de partage et prévenir les conflits.

Elle souligne néanmoins que parallèlement aux dispositifs de gestion de crise, seules des politiques de transformation de nos usages de l’eau dans la durée permettront d’éviter les ruptures brutales : identification des vulnérabilités des territoires les plus exposés et plans d’actions pour les réduire, trajectoires de sobriété pour les principales filières, diffusion de technologies innovantes pour optimiser l’usage de chaque goutte d’eau, communication et pédagogie vis-à-vis du public… Autant de politiques qui restent souvent à construire ou à accélérer, tant l’eau est encore trop souvent considérée comme une ressource inépuisable et gratuite malgré les avertissements à répétition que constituent les sécheresses récurrentes.

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