Retour d'expérience après l'incendie de l'usine Lubrizol à Rouen en septembre 2019
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Une mission interministérielle a été chargée de procéder à l'évaluation de la gestion de la crise liée à l'incendie du site industriel de l'usine Lubrizol à Rouen et qui s'est déclaré dans la nuit du 25 au 26 septembre 2019.
Christian Bachelier Rapport de mission interministérielle d'évaluation n° 19110
Mai 2020
Mots-clés : Incendie, site industriel, Lubrizol, gestion de crise
Enjeux
Dans la nuit du 25 au 26 septembre 2019, une partie du site de l’usine Lubrizol, installation classée pour la protection de l’environnement « Seveso seuil haut », ainsi que les entrepôts de l’entreprise voisine, NL Logistique, ont été la proie d’un incendie de grande ampleur. Cet incendie, éteint en une douzaine d’heures, n’a fait aucune victime et n’a entraîné ni pollution majeure de la Seine, ni dommage direct extérieur. Il a en revanche dégagé un très important panache de fumée et de suies qui s’est étendu jusque dans les Hauts-de-France et a suscité une très forte inquiétude au sein de la population, relayée par les interrogations des médias.
Les ministres de la transition écologique et solidaire, de l’intérieur, des solidarités et de la santé, du travail, et de l’agriculture et de l’alimentation ont confié à leurs inspections générales respectives une mission d’évaluation de la gestion de la crise liée à cet incendie.
Cette mission a fait suite à celle réalisée par le Conseil général de l'économie et le Conseil général de l'environnement et du développement durable à la demande de la ministre de la transition écologique et solidaire, consacrée notamment aux pistes d’amélioration concernant la gestion des sites Seveso et aux prescriptions relatives aux installations classées.
Méthodologie
Cette mission interministérielle a été réalisée avec des membres de cinq inspections et conseils généraux : Philippe Sauzey et Thomas Montbabut de l’Inspection générale de l’administration (IGA), Florence Allot de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), Paul Michelet du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), Pierre-Franck Chevet du Conseil général de l’économie (CGE) et Benoit Assémat du CGAAER.
La mission a rencontré l'ensemble des acteurs concernés de l'État, des collectivités territoriales, des établissements publics, des chambres consulaires, des organisations professionnelles, des associations de protection de l'environnement ou de défense des consommateurs et des médias.
Résumé
La mission a réalisé une analyse des différents volets de la gestion de cette crise et formulé 18 recommandations visant à mieux préparer les administrations et la population à un accident industriel, à renforcer les outils d’alerte, d’information et de communication de l’État, à mieux anticiper les risques d’un accident industriel et à doter l’État des instruments lui permettant d’assurer une meilleure coordination de ses administrations pendant et après la crise.
Les points marquants de l'évaluation de la situation sont les suivants :
- La gestion opérationnelle de l'incendie lui-même a été bonne grâce à une articulation efficace entre l'ensemble des acteurs. Toutefois, le dispositif d'alerte et d'information des populations dont disposent les autorités publiques doit être modernisé en s'appuyant sur les nouvelles technologies et sur des actions de sensibilisation de la population visant à développer une « culture du risque industriel » ;
- le travail réalisé pour évaluer les risques sanitaires à moyen et long terme a montré des faiblesses de coordination entre les différents services. Ceci implique de renforcer le pilotage de la gestion post-accidentelle et de préparer un cadre technique commun de référence et des outils de partage des données, qui doivent être élaborés hors période de crise ;
- la cellule interministérielle de crise (CIC) n’a pas été réunie. En conséquence les dispositifs mis en place pour assurer la coordination interministérielle nationale et l'articulation avec la gestion opérationnelle locale se sont révélés chronophages et parfois inadaptés ;
- l'effort considérable de communication de la part de l’État n'a pas suffi à contenir l'emballement des médias et des réseaux sociaux. Les inquiétudes de la population, notamment au regard des potentiels effets sur la santé à moyen et long terme, associées à un contexte historique de défiance envers la parole publique et l'industrie chimique, n'ont pas reçu de réponses satisfaisantes. Il apparaît nécessaire de disposer d'une « task force nationale d'appui » pour soutenir les moyens de communication disponibles au niveau territorial et de faire évoluer les commissions de suivi de sites « Seveso » afin de créer, hors temps de crise, un contexte plus favorable.