Prêts bonifiés à l’agriculture
Partager la page
L’objectif de la mission est de répondre à la question du maintien ou non des prêts bonifiés à l’installation des jeunes agriculteurs, dans un contexte marqué par une baisse tendancielle des taux de crédit et par la révision de la politique d’installation des jeunes agriculteurs en cours
Rapport de mission interministérielle d’évaluation n°15027 CGAAER - IGF
Mai 2015
Mots clés : Financement, installation, prêt bonifié, jeune agriculteur, investissement
Enjeux
La mission fait suite à un rapport de la Cour des comptes qui pointe le caractère dispendieux et peu contrôlable du dispositif des prêts bonifiés à l’installation des jeunes agriculteurs. L’objectif est de répondre à la question du maintien ou non de ce dispositif dans un contexte marqué par une baisse tendancielle des taux de crédit du marché et par une révision profonde du cadre national 2015-2020 de la politique d'installation.
Dans un cas, il s’agit de proposer des voies d’amélioration possibles du dispositif existant. Dans l’autre, il revient à la mission de rechercher des mécanismes alternatifs en faveur de la politique d’installation.
Les prêts bonifiés ne représentent aujourd’hui qu’environ 15 % des crédits globaux consacrés à la politique d’installation des jeunes agriculteurs, ce qui relativise son impact.
Bien que simplifié au fil des années, le dispositif des prêts demeure particulièrement complexe en termes de gestion administrative et financière. Il mobilise des ressources humaines importantes dans les services de l’État.
Par ailleurs, en application des nouvelles règles européennes sur les prêts bonifiés, le nouveau cadre national 2015-2020 en cours de finalisation avec la Commission européenne va fortement modifier les conditions d’attribution de ces prêts (durée de bonification réduite par cinq ans, objet des prêts centré sur le financement global de l’exploitation). Il aura aussi pour effet de rendre le dispositif moins pertinent à l’égard de la politique publique en faveur des jeunes agriculteurs.
Enfin, la baisse tendancielle des taux de crédit du marché réduit fortement l’intérêt de ces prêts, notamment en zone de plaine.
Ce diagnostic d’ensemble pose les bases d’une remise en question de la poursuite du dispositif actuel.
Méthodologie
La mission confiée au CGAAER et à l’IGF (Inspection générale des finances) par les ministres chargés des finances et de l’agriculture, était composée de Serge Bortolotti, ingénieur général des ponts, des eaux et forêts, de Jean-Louis Buër, inspecteur général de l’agriculture, et d’Olivier Le Gall, inspecteur des finances.
Après une étude bibliographique du sujet et une série d’entretiens avec les responsables professionnels et administratifs concernés, la mission a procédé à l’élaboration de différents scénarios.
Résumé
Plusieurs constats ont été relevés.
La profession agricole, représentée par le syndicat, Jeunes agriculteurs, reste globalement très favorable au maintien des prêts bonifiés.
Pour les banques, ces prêts présentent un double avantage. Le dispositif est rémunérateur (environ 10 % de la bonification distribuée) et constitue un argument commercial, les prêts bonifiés étant des produits d’appel en direction du monde agricole.
Pour l’État, les enjeux sont à la fois budgétaires et financiers, de simplification administrative, d’économie de personnel, et enfin d’aménagement du territoire.
Les Régions sont concernées principalement par la gestion des crédits du FEADER , fonds qui cofinance désormais les prêts bonifiés à hauteur de 80 %.
Pour l’Agence de services et de paiement (ASP), qui gère et contrôle ces prêts, l’enjeu principal serait la disparition à terme des prêts bonifiés après épuisement total du stock (prêts anciens en cours) sur une durée d’environ 12 à 15 ans.
Six scénarios ont été proposés.
Dans les trois premiers scénarios, l’hypothèse retenue est celle de la suppression en 2016 du dispositif prêts bonifiés, avec plusieurs variantes :
- Le scénario 1 envisage la suppression du dispositif sans compensation budgétaire, ce qui permettrait à l’État de faire, à terme (d’ici 2020), une économie annuelle comprise, selon l’évolution à venir des taux de marché, entre 11 et 22 M€. L’économie pour le FEADER se situerait entre 44 et 88 M€, à laquelle s’ajouterait une économie d’environ 2 M€ au titre de la suppression de la rémunération des banques.
- Dans le scénario 2, la suppression des prêts bonifiés serait compensée par un redéploiement des crédits économisés sous la forme d’un complément de Dotation jeunes agriculteurs (DJA) d’un montant compris, selon les hypothèses retenues, entre 4 500 € et 9 000 €.
- Dans le scénario 3, la mission explore l’idée consistant à substituer au dispositif des prêts bonifiés celui du CICE (Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) mis en place par l’État en 2014 à l’usage des entreprises, en utilisant en particulier le mécanisme de préfinancement bancaire sous garantie de la BPI (Banque publique d’investissement).
Dans les trois autres scénarios, l’hypothèse retenue est celle d’un maintien des prêts bonifiés s’accompagnant de différentes mesures d’adaptation au nouveau contexte décrit plus haut.
- Le scénario 4 s’inscrit dans une politique d’aménagement du territoire visant à soutenir l’agriculture en zone défavorisée, particulièrement en zone de montagne. Il propose de cibler les prêts bonifiés sur ces zones.
- Le scénario 5 vise à remplacer l’actuel système de bonification des prêts à taux fixes par un mécanisme de minoration des taux de marché, sur le modèle adopté pour les prêts bonifiés aux CUMA. Ce scénario, défendu par les représentants des Jeunes agriculteurs, a l’inconvénient d’être financièrement coûteux pour l’État dans le contexte actuel de baisse des taux.
- Le scénario 6 propose un encadrement, à la hausse comme à la baisse, de l’évolution des taux bonifiés par rapport aux taux de marché. Le but étant, en cas de baisse des taux, de limiter les frais de gestion. En cas de hausse des taux, l’instauration d’un écart maximum permettrait de garantir à l’État une limitation financière de la bonification.
En définitive, si les scénarios 4, 5 et 6 constituent des voies possibles d’amélioration du dispositif, ils ne permettent cependant pas d’en corriger les défauts majeurs : perte d’efficacité et d’attrait au regard de la baisse des taux, complexité et lourdeur du système, source de frais de gestion importants pour l’État.
Le scénario 2 (complément de dotation jeune agriculteur) semble présenter une certaine logique de rationalisation. Toutefois, s’il peut être financé par redéploiement dans le cadre de la prévision budgétaire, le caractère certain du versement du complément de dotation jeunes agriculteurs, par rapport au dispositif des prêts bonifiés, risque de générer des surcoûts en termes d’exécution budgétaire. Au vu des risques financiers qu’elle comporte, la mission ne recommande donc pas cette option.
Au final, la mise en œuvre du scénario 1 (arrêt du dispositif des prêts bonifiés) et, simultanément, du scénario 3 (mise en place, après expertise, d’un dispositif de garantie des prêts bancaires par la BPI) peut valablement constituer une option, que la mission recommande.
Toutefois, la mission attire l’attention sur les risques budgétaires que cette solution pourrait comporter si elle devait s’accompagner d’une hausse de la DJA telle qu’envisagée dans le scénario 2.