Occitanie : vers la réutilisation des eaux usées pour irriguer la vigne
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À Gruissan, dans l’Aude, une unité INRAE expérimente la réutilisation des eaux usées traitées (abrégée « REUT ») pour irriguer la vigne. Dans ce territoire du littoral méditerranéen – frappé par des sécheresses récurrentes, comme de plus en plus de régions françaises –, la valorisation des eaux dites non conventionnelles fait partie des pistes pour sauvegarder l’activité agricole. Elle est notamment l’une des solutions identifiées, en février 2022, dans le cadre des conclusions du Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique.
Depuis plusieurs années, la commune de Gruissan, située dans le Narbonnais, est confrontée à des épisodes de sécheresse de plus en plus marqués. Au début des années 2010, un groupement d’acteurs porte ensemble l’initiative d’un projet renforçant l’accès à l’eau pour soutenir les activités vini-viticoles de Gruissan. Ce collectif polyvalent comprend des agriculteurs, des élus locaux, la chambre d’agriculture de l’Aude, Veolia, Aquadoc, la Cave coopérative de Gruissan et Le Grand Narbonne, propriétaire des stations d’épuration. En lien avec l’unité expérimentale de Pech Rouge et le laboratoire de biotechnologie de l’environnement (LBE) INRAE sur place, le projet « Irri-Alt'Eau » voit le jour.
Le potentiel des eaux usées
Ce projet, inédit en France, consiste à utiliser des eaux usées traitées pour irriguer la vigne au goutte à goutte. Plus largement, cette initiative doit permettre de sauvegarder une partie de l’activité viticole du massif de la Clape. « On est sur une zone où le régime de précipitation est faible et où l’eau agricole n’est pas disponible », explique Nicolas Saurin, responsable de l’unité INRAE de Pech Rouge, « ce qui nécessite d’innover dans l’usage des ressources en eaux ».
Les fondations du projet
Dès 2013, les tests d’irrigation démarrent, suivis d’une étude de faisabilité pour un démonstrateur de 80 hectares. Les travaux se déroulent durant l’année 2021 et les premiers tests grandeur nature sont réalisés en 2022 avec la mise en marche du dispositif de traitement de la station d’épuration et l’activation du réseau d’adduction. Ce système, dédié à la réutilisation de l’eau usée traitée, a nécessité un financement d’environ 1,2 million d’euros dont 700 000 euros pour le réseau d’adduction.
Irri-Alt'Eau, comment ça marche ?
Le projet exploite l’eau déjà traitée par la station d’épuration de Narbonne-Plage, située à neuf kilomètres de l’exploitation viticole. Deux conteneurs filtrent une seconde fois l’eau et la traitent contre les bactéries. L’eau est ensuite distribuée dans un réseau de canalisation de sept kilomètres. À ce jour, environ 25 hectares de vigne sur les 80 hectares potentiels sont raccordés au système de goutte à goutte. Treize mini-bornes redistribuent l’eau traitée dans les parcelles de vignes grâce à une application qui permet un pilotage à distance du dispositif.
Les eaux usées traitées et fournies par la station d’épuration de Narbonne-Plage au projet Irri-Alt'Eau bénéficient d’un second parcours de filtration qui associe des billes de verre, un filtre UV et du chlore anti-bactérien pour permettre de correspondre à la réglementation d’eau agricole.
Une expérimentation locale à fort potentiel
L’expérimentation de Gruissan cherche à évaluer la viabilité économique de ce modèle de REUT, dans le cas spécifique de la station balnéaire. Un premier constat montre que « le projet permet de sécuriser les rendements viticoles en adaptant l’accès à l’eau pour les vignes locales », précise Nicolas Saurin. Si le résultat est concluant sur le long terme, il pourra inspirer d’autres initiatives.
De nombreux territoires du littoral méditerranéen, en proie à des sécheresses de plus en plus intenses, sont demandeurs de ce type de solutions. À ce jour, la France réutilise peu ces eaux usées : à hauteur de 1% environ, loin de l’Italie (8%) ou de l’Espagne (14%).
Pour autant, sa déclinaison à grande échelle pose des questions plus larges, car cette technologie est coûteuse. « À Gruissan, nous testons l'usage de la REUT pour l'irrigation, mais d'autres usages sont possibles comme la substitution d'eau potable dans les communes pour l'arrosage de pelouse, d'espace vert, le nettoyage de voiries, etc. Il faudra prioriser les usages et les investissements, et définir quelle eau ? pour quel usage ? et à quel prix ? », ajoute Nicolas Saurin.
Enfin, le responsable de l’unité INRAE de Pech Rouge souligne la nécessité « d’accompagner les agriculteurs, qui deviennent de nouveaux irrigants, mais aussi de raisonner les usages de l’eau ».
Le Varenne agricole de l'eau en quelques mots
Le Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique a été impulsé par le président de la République. Lancé le 28 mai 2021, il a mobilisé plus de 1 400 participants et 520 organismes. Les conclusions des groupes de travail ont été rendues le 1er février 2022 et visent à construire, avec l’ensemble des parties prenantes, une feuille de route opérationnelle pour répondre aux enjeux de gestion de l’eau et d’adaptation au changement climatique auxquels est confronté l’agriculture. Le Varenne agricole de l’eau s’inscrit dans une logique de cohérence avec le Plan Eau annoncé par le président de la République le 30 mars dernier.
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