Observer les prix pour anticiper les crises
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Interview de Philippe Chalmin, président de l’Observatoire de la formation du prix et des marges.
Six ans après la création de l’Observatoire, quelles sont ses principales avancées ?
Cet Observatoire de la formation du prix et des marges est unique en Europe. Nous avons à notre disposition énormément de données issues de nos organismes de statistique : Agreste, Insee, Rica et de nos propres panels… Nous calculons les marges brutes et les marges nettes des produits agricoles peu transformés (viande, jambon, fruits et légumes…) de chaque maillon de la chaîne, des prix payés au producteur jusqu’à l’industriel et la grande distribution. Nous apportons de la transparence pour restaurer la confiance dans les relations commerciales entre les opérateurs.
L’Observatoire aide à sortir des idées reçues : personne ne s’en met plein les poches ! La grande distribution ne réalise qu’1,5 % de marge nette, mais réalise son bénéfice grâce ses ventes considérables. En étudiant la répartition des marges au sein de la filière viande, nous avons tous été surpris : les éleveurs de race allaitantes ne couvrent pas la réalité de leurs coûts de production, les comptes des industriels sont à peine à l’équilibre et les marges nette du rayon boucherie de la grandes distribution sont régulièrement négatives !
Vous venez d’être reconduit à la tête de l’Observatoire. Quelle est votre nouvelle feuille de route transmise par le ministre ?
Notre rôle est sensiblement le même : essayer d’apporter au maximum la transparence de l’information sur la formation des prix et des marges à chaque maillon de la chaîne alimentaire. Le ministre souhaite aussi une plus grande mise à disposition de l’Observatoire aux parties prenantes des filières… Syndicats agricoles, distributeurs et industriels peuvent saisir l’observatoire sur un sujet précis dans le cadre de son comité de pilotage, qui arrête le programme de travail annuel de l'observatoire. Nous devons anticiper, déminer les problèmes avant que les crises ne se manifestent : la transparence permet des débats plus sereins.
De quelle manière participez-vous aux États généraux de l’alimentation ?
La transparence et la confiance entre les maillons de la filière agricole et agroalimentaire est le cœur même de la démarche des État généraux de l’alimentation. Réunir les professionnels autour d’une table est une très bonne opportunité pour donner au monde agricole une stabilité et des perspectives de revenu.
Le monde agricole a vécu une grande révolution, le passage du stable à l’instable. Certains secteurs, comme les céréales, se sont habitués à gérer cette instabilité. D’autres, comme le lait, sont plus difficiles. En lait, il y a encore quelques années, le producteur n’était informé du prix qu’une semaine après la fin du trimestre! Il lui faut maintenant des contrats annuels, voire des relations de contractualisation qui aillent sur du pluriannuel. Et pour cela il nous faut de bons indicateurs de prix, souvent très compliqués à construire étant donné l’hétérogénéité du secteur laitier.
Observez-vous une évolution dans les pratiques, les marges ou les rapports de force entre des différents opérateurs de la filière alimentaire ?
Sur la longue période, nous observons surtout l’importante responsabilité des consommateurs et de leur mode de consommation dans l’évolution des marges. Dans leur panier, la part des matières premières non transformées (fruits, légumes, viandes, lait) se réduit au profit de produit plus sophistiqués où le produit agricole perd son identité… et sa lisibilité pour notre observatoire.
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