Notes et études socio-économiques n°36
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Après un numéro thématique sur l’agriculture durable, cette 36e édition de Notes et Études Socio-Économiques, plus méthodologique, aborde différentes facettes de l’évaluation des politiques publiques. Plus qu’un processus normalisé, elle est davantage une démarche visant à formuler un jugement sur la pertinence, l’efficacité, la cohérence ou encore l’efficience de l’intervention publique. Longtemps circonscrite aux politiques de développement rural, la pratique de l’évaluation au ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt s’est largement répandue et elle couvre désormais tout le champ ministériel : Écophyto 2018, politiques sanitaires, différents volets de la Politique agricole commune, programmes de développement, etc. Partant, elle s’est aussi diversifiée. Le numéro 33 de NESE faisait la part belle à l’approche particulière souvent retenue dans le cadre des politiques de développement rural, axée sur des entretiens semi-directifs, des études de cas et des revues bibliographiques. Le présent numéro apporte des éclairages sur des méthodes complémentaires, souvent plus quantitatives (évaluation socio-économique pour les deux premiers articles, recours aux modèles économiques, etc.) et il interroge plus largement le rapport entre décision, évaluation et connaissance.
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Sandrine Blanchemanche, Rémy Tello, Nicolas Treich
Il existe un intérêt croissant vis-à-vis des évaluations socio-économiques utilisées comme outils d’aide à la décision dans la gestion des risques sanitaires des aliments. Comment arbitrer les priorités de la France en matière de gestion des risques alimentaires : réduire les toxi-infections alimentaires d’origine bactérienne, diminuer l’exposition des enfants aux métaux lourds présents dans les poissons, réduire la prévalence des pathologies liées à l’obésité ? Idéalement, les gestionnaires – comme les citoyens – préfèreraient ne pas avoir à choisir. Dans la réalité, ces choix sont difficiles à éviter. Pour s’aider et prendre une décision informée, les gestionnaires disposent de certaines méthodes telles que les analyses coût-bénéfice et les analyses coût-efficacité. L’analyse coût-bénéfice mesure les conséquences d’une décision en unité monétaire et estime la différence entre les conséquences bénéfiques et négatives. L’analyse coût-efficacité mesure les conséquences d’une décision en termes non monétaire – l’efficacité – (par exemple, le nombre de vies sauvées) et estime le ratio, pour les options politiques examinées, d’un coût par unité d’efficacité. Cet article présente ces méthodes ainsi que leurs avantages et limites respectifs et discute les approches complémentaires et alternatives à disposition des décideurs.
Sylvain Rousset, Kevin Petit, Daniel Uny
Cet article présente une analyse coût-bénéfice de la réglementation sur le confinement de la chrysomèle des racines du maïs, en modélisant la dynamique spatiale d’infestation du territoire français par le ravageur.
Les simulations sous SIG montrent que seule l’intensification de la lutte obligatoire combinée à un élargissement de l’actuelle zone de confinement ralentit assez nettement l’invasion biologique. Pour autant, la valeur actuelle nette des scénarios alternatifs reste faible et sensible aux paramètres écologiques retenus.
Le scénario contrefactuel, sans politique de confinement, apparait le plus pertinent ; le modèle de dispersion négligeant la dispersion par voie anthropique, pourtant déterminante, l’étude sous-estime toutefois le bénéfice à contrôler l’abondance du ravageur.
Alexandre Gohin
De nombreuses sources d’instabilité sont à l’origine de la volatilité observée des prix agricoles mondiaux. Aux événements naturels exogènes (chocs climatiques, sanitaires, etc.) peuvent venir s’ajouter des sources endogènes comme les erreurs d’anticipation de la part des agents économiques ou encore des phénomènes spéculatifs sur les marchés physiques et financiers.
Mesurer l’importance relative de ces différentes sources d’instabilité dans les évolutions récentes des marchés agricoles, déterminer leurs contributions potentielles dans les prochaines années, définir les meilleures stratégies individuelles et collectives pour y faire face sont, aujourd’hui, des questions cruciales tant pour les opérateurs privés que pour les décideurs publics.
Les modèles économiques de simulation des marchés agricoles et d’évaluation des politiques agricoles sont susceptibles d’apporter des éléments de réponse à ces interrogations majeures. L’objectif central de cet article est de faire le point sur quelques uns des principaux travaux de modélisation appliquée des marchés agricoles, et de proposer des pistes pour les améliorer dans la représentation des sources d’instabilité des marchés agricoles et des outils de gestion des risques.
Au regard de notre analyse, force est de constater que plusieurs de ces modèles sont peu pertinents pour l’analyse des enjeux économiques liés aux risques agricoles. Ces nombreux modèles reposent sur des structures de marché incomplètes et/ou des comportements trop réducteurs, comme l’omission d’une aversion au risque des agents économiques ou une parfaite rationalité des anticipations.
Dans la deuxième partie de cet article, nous avons analysé la sensibilité des résultats obtenus par ces modèles aux différents schémas possibles d’anticipation des agents. Nos résultats de simulation montrent que, même lorsque les anticipations ne sont pas parfaites, de nombreuses forces de rappel introduites dans les modèles évitent la divergence des prix et donc atténuent l’instabilité endogène simulée. En particulier, les erreurs d’anticipation peuvent se compenser.
Catherine Laurent, Marielle Berriet-Solliec, Pierre Labarthe, Aurélie Trouvé
Dans divers secteurs d’activité des pays de langue anglaise, le recours aux approches dites d’evidence-based policy (EBP) ou d’evidence-informed policy (EIP) s’étend. Cette tendance concerne également les questions agricoles, quoique de façon encore limitée. Ces approches, issues du secteur médical, visent à réduire les difficultés que rencontrent tous ceux (praticiens, patients, décideurs publics, etc.) qui, confrontés à une multitude d’informations, d’expertises ou de données de diverses natures et de qualités inégales, veulent pouvoir éclairer leurs décisions avec les meilleures connaissances possibles. Elles n’offrent pas de solutions toutes faites mais elles ont débouché sur des clarifications méthodologiques, conceptuelles et institutionnelles, qui sont souvent ignorées dans le monde francophone.
Cet article discute de l’intérêt et des limites de ces approches pour concevoir, mettre en œuvre et évaluer les politiques publiques, en particulier les politiques agricoles. Il revient sur quelques grands débats qui accompagnent leur développement, notamment sur la remise en cause de la « boîte noire » de l’expertise, les essais randomisés contrôlés et la possible dépolitisation (ou repolitisation ?) de la décision publique.
Anne Le Roy, Guillaume Millot
Le recours au chiffre semble créer de la rigueur, de l’objectivité, de la connaissance et faciliter les comparaisons. Par conséquent, une évaluation de politique publique sans donnée chiffrée paraît à certains difficilement concevable. Toutefois, l’objectivité et la précision peuvent n’être qu’une impression puisque les chiffres sont des constructions basées sur une modélisation de la réalité. La simplification de cette dernière au travers d’un chiffre peut cacher des subtilités quant à la description des mécanismes d’action des politiques publiques.
Si l’utilisation de données quantifiées est légitime en évaluation, toutes formes de données chiffrées et toutes utilisations de celles-ci ne sont pas équivalentes. D’où la question centrale de cet article : quelle place accorder à la donnée chiffrée dans une démarche évaluative ?
Cette réflexion porte sur l’évaluation vue comme un outil de production de connaissances et de compréhension des politiques, de leur mise en oeuvre et de leurs effets. Basé sur une analyse des pratiques d’évaluation des politiques de développement rural conduites
sous la responsabilité du ministère de l’Agriculture, cet article vise à mettre en lumière les conditions optimales de production et d’utilisation de données en vue de leur utilisation dans des évaluations.
Débat
Laurent Barbut, Annie Fouquet, Bernard Perret
Pour compléter les apports des articles de cette édition n°36, il nous a semblé intéressant de croiser les points de vue de différents acteurs de l’évaluation des politiques publiques au niveau français et de praticiens œuvrant sur les champs de compétence du ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt. Ce débat est l’occasion, entre autres, de mettre en perspective les différentes phases du développement de l’évaluation des politiques publiques en France, de rappeler quelques principes méthodologiques clés et de revenir sur les spécificités de son positionnement institutionnel dans le contexte français.
Frédéric Courleux
La crise actuelle appelle à reconsidérer un certain nombre de préceptes de politiques économiques. L’objet de cette analyse est de discuter les recommandations de politiques agricoles faites par l’OCDE. S’il apparaît que les concepts de ciblage et de découplage s’inscrivent dans la volonté de rendre plus efficace et légitime l’intervention publique, les aides directes ne devraient toutefois être réduites à une mesure temporaire d’accompagnement de la sortie de producteurs non compétitifs, dès lors que l’on abandonne l’hypothèse que tous les marchés fonctionnent de façon optimale. Alors que la correction des défaillances de marchés est présentée comme la principale justification de l’intervention publique, il est regrettable que la non-atomicité (existence de positions dominantes) et l’incomplétude des marchés contingents (non-assurabilité des risques systémiques) n’apparaissent quasiment pas dans les enjeux de politiques agricoles décrits par l’OCDE. La Banque mondiale reconsidère actuellement le rôle primordial de l’agriculture dans les stratégies de développement mais le renouvellement des préceptes de l’OCDE dans les pays développés reste encore largement à venir.
LASALLE-DE SALINS Maryvonne
Lobbying de l’agroalimentaire et normes internationales
GRISON Denis
Qu’est-ce que le principe de précaution ?
DESMARTIS Marie
Une chasse au pouvoir. Chronique politique d’un village de France
FERRÉOL Gilles
Femmes et agriculture
Worldwatch Institute
Comment nourrir 7 milliards d’hommes
PARMENTIER Bruno
Manger tous et bien