24 octobre 2024 Publication

Mission de parangonnage sur la gestion de l’équilibre forêts-ongulés en Allemagne

  • Catherine Lhote (IGEDD)
  • Jean-Philippe Torterotot (IGEDD)
  • Alain Perea (CGAAER)
  • Michel Refay (CGAAER)

Comment restaurer l’équilibre sylvo-cynégétique, tout particulièrement, entre forêt et ongulés, indispensable à la régénération des forêts françaises ? L’expérience de l’Allemagne mérite d’être analysée.

La Lettre du CGAAER n°188 octobre 2024 CGAAER ( conseil général de l'alimentation de l'agriculture et des espaces ruraux)

Rapport de mission interministérielle de conseil n° 23093

Juin 2024

Enjeux

Les forêts françaises sont fragilisées par le changement climatique et un effort conséquent d’investissements forestiers doit être engagé pour assurer leur renouvellement. Toutefois, sans restauration de l’équilibre sylvo-cynégétique cet effort est voué à l’échec, tant en ce qui concerne les plantations que la régénération naturelle.

Plusieurs Länder allemands confrontés à cette situation critique sont parvenus à restaurer un équilibre forêt-gibier. La mission avait pour objet de tirer les enseignements des mesures adoptées outre-Rhin et d’identifier les leviers susceptibles d’être mobilisés ou expérimentés en France pour rétablir cet équilibre.

Méthodologie

De septembre 2023 à juin 2024, la mission interministérielle, composée de Alain PEREA pour le CGAAER et de Catherine LHOTE et Jean-Philippe TORTEROTOT pour l’IGEDD, a auditionné de nombreux services, établissements, organisations nationales et experts en France et en Allemagne et visité trois Länder : Bade-Wurtemberg, Bavière et Rhénanie-Palatinat, représentatifs de la situation et de la gestion des forêts outre-Rhin. Elle a également établi une bibliographie abondante pour appréhender le contexte institutionnel, législatif, social et environnemental allemand.

Résumé

Bien que la France et l’Allemagne soient deux pays proches géographiquement, le contexte des forêts, de la chasse et du traitement de l’équilibre forêt-gibier diffèrent profondément.
Par le stock de bois sur pied, l’Allemagne est l’État d’Europe le plus boisé et, contrairement à la France, plus de la moitié des forêts sont propriétés publiques, principalement des Länder. Les conifères dominent, couvrant 57 % de la surface totale contre 20% en France.

Sur la période 2018-2021, sous l’effet des canicules et de la sécheresse, les peuplements d’épicéas et de sapins ont subi des attaques de scolytes aux conséquences dévastatrices. Les objectifs ambitieux de reboisement, ainsi que la stratégie de transformation pour rendre les forêts plus résilientes, avec les choix techniques privilégiés en Allemagne (régénération le plus possible naturelle, diversification des essences, gestion sans protection), sont confrontés à la pression des ongulés.

L’ensemble des parties prenantes (Länder, forestiers, chasseurs, organisations environnementales, organismes scientifiques et universitaires) reconnaissent aujourd’hui cette pression comme un facteur déterminant pour l’avenir de la forêt. Les décideurs politiques ont dû envisager des réaménagements rapides et profonds, inscrits dans la stratégie forestière 2050 de l’État fédéral et dans les stratégies des Länder. Ces stratégies intègrent le sujet de l’équilibre avec les ongulés, dans des logiques de multifonctionnalité et de gestion durable, où la résilience de la forêt passe avant le gibier.

La gestion de la chasse est de la responsabilité des Länder qui l’exercent, dans les trois Länder visités, par une politique volontariste, avec des priorités affirmées sur la question de l’équilibre forêts-ongulés et débattues avec les parties prenantes. Les politiques en place s’appuient sur la responsabilisation, sur la connaissance ainsi que sur l’animation du dialogue entre le forestier et le chasseur. Les publications techniques et les sites internet des ministères et des instituts techniques et de recherche institutionnels, constituent des ressources pédagogiques claires, accessibles à tout public.

La mission a élaboré dix recommandations adaptées au contexte français sur trois axes : (1) favoriser l’engagement et la collaboration entre les principaux acteurs ; (2) promouvoir le dialogue local et la prise en compte de la connaissance, avec l’appui de services et organismes publics spécialisés ; (3) développer des logiques opérationnelles et des méthodes priorisant l’état de la végétation et les objectifs forestiers.

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