28 novembre 2016 Publication

L'échouage des sargasses dans les Antilles et en Guyane

  • François Colas-Belcourt

Depuis 2011, des algues brunes « sargasses » envahissent périodiquement les côtes des Petites Antilles et, dans une moindre mesure, des Guyanes. Face aux nuisances sanitaires et aux perturbations des activités touristiques, le CGAAER, l'IGA et le CGEDD ont été chargés d'étudier la situation et de formuler des propositions

« A Marie-Galante, les habitants lancent un cri…. » « … pour ne pas mourir confits dans le jus de sargasse » Rapport de mission interministérielle de conseil n°15133 CGAAER - IGA - CGEDD

Juillet 2016

Mots clés : Algues sargasses, Antilles, Guadeloupe, Martinique, Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Guyane

Enjeux

Qui ne se souvient de ce cheval, de ces sangliers et même de ce joggeur suspectés d’avoir été victimes des émanations des algues vertes en Bretagne ? Aux Antilles, l’afflux d'algues brunes, les sargasses, est aux dépôts armoricains ce que la tempête tropicale est au crachin breton.

En effet, depuis 2011, ces algues brunes envahissent périodiquement les côtes atlantiques des Petites Antilles et, dans une moindre mesure, des Guyanes. Les échouages peuvent atteindre en quelques jours des milliers de m3 sur certains sites.

La cause de ce phénomène transocéanique (l’Afrique de l’ouest est touchée) est hypothétique : apport de nutriments par les vents sahariens ou par des fleuves aux bassins déforestés, évolution des courants…

Des dépôts particulièrement importants par leur durée et leur intensité ont affecté les Antilles françaises en 2014 et en 2015, y engendrant des troubles sanitaires, des perturbations aux activités touristiques et une dégradation des conditions de vie. Ils ont suscité la mobilisation d’urgence de l’État et des collectivités.

Les ministres chargés des Outre-mer, de l’environnement et de l’agriculture ont demandé qu’une mission procède à une évaluation et formule des recommandations opérationnelles dans une perspective de gestion à long terme.

Méthodologie

La mission interministérielle était composée de Tristan Florenne (Inspection générale de l’administration), François Guerber (Conseil général de l’environnement et du développement durable) et François Colas-Belcour (Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux).

Elle s’est rendue en Guadeloupe, en Martinique, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy et en Guyane. Outre les représentants de l’État et des collectivités, elle a rencontré les maires des communes antillaises concernées en s’appuyant sur leurs réponses à un questionnaire qu’elle leur avait préalablement transmis.

Résumé

Le caractère fluctuant des échouages a amené la mission à recommander d’engager une démarche de gestion de risque et, pour cela, d’ajouter les sargasses aux plans existants.

L’objectif est de répondre de manière rapide, préparée et différenciée selon les niveaux d’alerte et de crise, à partir d’un dispositif de surveillance activé chaque année. Cette surveillance doit être organisée au niveau communal et mutualisée au niveau zonal pour bénéficier notamment des images satellites.

En effet, la rapidité de la collecte (moins de trois jours) réduit considérablement les nuisances. En outre, elle tempère la saturation des moyens, rapidement atteinte s’il se forme un stock.

La collecte peut être rationalisée en utilisant à la fois le ramassage mécanique (notamment des ratisseurs) sans nuisance environnementale (respect des plages et des sites de ponte des tortues marines) et le ramassage manuel (les chantiers d’insertion ont, sur de nombreux sites, donné des résultats remarquables). Les expérimentations du ramassage en eaux infralittorales, très utiles, n’ont pas encore débouché sur des solutions économiquement réalistes de grande échelle. Elles doivent être poursuivies. La mission a écarté le ramassage en haute mer pour des raisons juridiques, économiques, techniques et environnementales.

A court terme, les seules possibilités de valorisation capables d’absorber de grandes quantités de sargasses à des coûts raisonnables sont des valorisations agricoles, sous forme d’épandage ou de certains compostages. L’épandage est toutefois subordonné à l’innocuité de la dose de sodium apportée sur les sols sensibles (andosols, vertisols), ce qui n’a fait l’objet que d’études préliminaires à compléter. En matière de compostage, si les produits sont de bonne qualité, la situation en matière de coût et de capacité est très différente entre les îles.

Les valorisations industrielles (extraction d’alginates ou d’autres composants, méthanisation, incinération) sont au mieux en cours d’expérimentation. Leurs « business plans » semblent encore lacunaires. Compte tenu des investissements importants qu’elles nécessitent, leur viabilité économique est incertaine, notamment si les échouages restent irréguliers.

La mission propose des thèmes d’approfondissement des connaissances dans les domaines agronomiques, sanitaires et écologiques.

Enfin elle a évalué la dimension technique et financière d’une année de crise décennale (2014-2015) et d’une année intermédiaire.

Lien vers le rapport


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