L’Agro’fest : deux jours sous le signe de l’eau, de l’agriculture et du vivant à Saintonge
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Réunir l’ensemble du monde agricole, des entreprises de machinisme agricole aux associations d’éducation à l’environnement, tel est le pari de l’Agro’fest organisé par l’Agrocampus de Saintonge en mai dernier au lycée Georges Desclaude à l'occasion du Printemps des transitions. Témoignages de Myriam Huet, directrice de l’Agrocampus, Sébastien Riquart, directeur d’exploitation agricole et Aurélie Leservoisier, enseignante et référente Enseigner à produire autrement.
Pouvez-vous présenter votre établissement ?
En connexion avec le territoire, l’Agrocampus de Saintonge regroupe huit centres de formation sur trois sites (Chadignac et Gorges Desclaude sur Saintes et le Renaudin sur Jonzac) avec trois domaines de production agricole, un centre de formation des apprentis, un centre de formation adulte et trois lycées dont deux professionnels et un lycée général et technologique, Georges Desclaude avec notamment un bac Sciences et technologie du vivant (STAV) production animale et aménagements des espaces.
La variété des formations proposées caractérise le lycée Desclaude où les filières générales sont prédominantes, estime Myriam Huet, directrice de l’Agrocampus. Sur l’exploitation, les productions, un atelier laitier mené en conventionnel, grandes cultures et viticulture, collent à l’agriculture de ce territoire. Notre préoccupation est de rester en connexion à la fois avec l’agriculture locale et la demande du grand public vis-à-vis des transitions. Un lycée agricole doit mettre tout le monde en connexion pour trouver des passerelles d’où la diversité des acteurs présents sur l’Agro’fest. Cet évènement a été initié par le directeur d’exploitation de la Pichonnerie sur le Site Desclaude, Sébastien Riquart et Rodolphe Zegrar, formateur en gestion de l’eau sur le CFA. Leur initiative donne aussi une autre image de l’enseignement agricole.
Quel évènement était organisé dans le cadre du Printemps des transitions ?
L’Agro’fest veut fédérer autour des enjeux du renouvellement des générations et des métiers de l’aventure du vivant. Organisé par l’Agrocampus de Saintonge au sein du lycée Desclaude (Saintes) sur deux jours en mai 2024, il s’adresse à la fois aux scolaires, aux professionnels et au grand public avec visite de l’exploitation, stands, conférences et des concerts en soirée. Et cet évènement est labellisé Printemps des transitions, une opération nationale du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, destinée à mettre en avant les initiatives des lycées en ce domaine.
Après avoir réuni plus de 3 000 participants en 2023, l’édition 2024, inaugurée le 24 mai en présence du sous-préfet, de représentants du monde agricole et des élus, a tenu ses promesses. Plus de 900 élèves du primaire, des collèges et lycées ont découvert les métiers du paysage, de l’eau, de la viticulture, du commerce, de l’agriculture en présence de professionnels et de plusieurs établissements d’enseignements agricoles. Ils se sont initiés aux problématiques du territoire à travers différents ateliers : biodiversité et rôle de l’abeille, eau et gestion des milieux, drone… tandis que le deuxième jour, le grand public prenait le relais.
Comment votre établissement intègre-il la thématique des transitions de façon générale ? Et que retenez-vous de l’évènement Printemps des transitions pour aujourd’hui et demain ?
Au rythme des transitions
Les soirées de l’Agro’fest sont gratuites pour que chacun puisse venir, insiste Rodolphe Zegrar qui s’occupe aussi de coopération internationale sur l’Agrocampus de Saintonge. Tel est l’esprit de l’enseignement agricole avec des établissements ouverts sur le territoire et le monde. Il y a d’ailleurs plusieurs stands sur la coopération internationale aujourd’hui, des projets qui nous permettent d’emmener les élèves découvrir d’autres horizons.
On parle toujours du monde agricole à travers les primes de la PAC et pas assez du fait qu’aujourd’hui, les agriculteurs travaillent sur de nouvelles techniques et avec de nouvelles technologies pour réduire leur impact sur l’environnement, estime le Directeur d’exploitation agricole, Sébastien Riquart en évoquant la présence de stand de matériels agricoles de pointe sur l’Agro’fest et qui permettent de faire par exemple, des traitements ciblés de produits phytosanitaires.
Avec la rénovation des diplômes, les transitions agro-écologiques font désormais partie intégrante des programmes. Au sein de l’Agrocampus, chaque établissement les met en œuvre en lien avec les formations et les caractéristiques de son exploitation agricole, détaille Aurélie Leservoisier, enseignante et référente Enseigner à produire autrement, le plan de l’enseignement agricole autour des transitions agro-écologiques. Le centre de Chadignac par exemple, qui pratique le maraîchage bio, met l’accent sur la loi Egalim dans la restauration collective avec circuits courts et produits de qualité. Des projets sur les haies, les déchets et le recyclage sont menés conjointement en agronomie et en éducation socio culturel sur le site du Renaudin. Et les trois structures de l’Agrocampus travaillent sur les ressources et le sol, socle commun de l’agriculture.
Zoom sur l’exploitation du lycée Desclaude : « Les transitions dans le respect de l’équilibre financier »
Sur l’exploitation du site Desclaude, Sébastien Riquart est directeur depuis septembre 2023. Il a démarré sa carrière dans l’agriculture conventionnelle avant de produire des légumes en biodynamie pour l’industrie agroalimentaire (conserveries bio). Il a décidé d’accélérer les démarches de transitions dans une démarche prudente mais résolue.
« Il est important pour la santé humaine de retrouver le potentiel des sols. Cela passe par la préservation et la régénération de l’agro-système, de la biodiversité. Avec de nouvelles techniques culturales, semi sous couverts, non labour, etc., du matériel qui permet les traitements ciblés, nos façons de produire sont de plus en plus efficientes au niveau agro-écologique. C’est par l’exemple que l’on avancera vers les transitions. Et c’est le rôle d’un lycée de démontrer que c’est possible. L’exploitation de la pichonnerie est certifié Haute Valeur Environnementale depuis peu. Cela implique d’être engagé dans une démarche de réduction des produits phytosanitaires. Dans les vignes, le désherbage chimique a été remplacé par le désherbage mécanique. On rêve de bio mais cette certification n’est pas valorisée au pays du Cognac, produit essentiellement vendu à l’export. Nous avons également des obligations environnementales : plantation de haie, maîtrise et diminution de l’irrigation, etc… ».
Côté élevage, les vaches restent en stabulation (à l’intérieur) pour des raisons de foncier, les pâtures étant trop éloignées de l’exploitation. « Sortir entre deux traites favoriserait pourtant l’état sanitaire du troupeau et le bien-être animal. On cherche également à automatiser le travail pour gagner du temps et réduire la pénibilité. Mais les investissements sont coûteux et pas tous possibles. Avec un troupeau de race Prim’holstein à la pointe en matière de génétique, l’exploitation affiche de bons résultats économiques. On va progressivement vers les transitions dans le respect de cet équilibre. »
La parole aux jeunes
Fabien Jaguenaud, terminale STAV et président de l’ALESA (Association de lycéens, étudiants, stagiaires et apprentis) : « Préserver l’environnement, une vraie préoccupation ».
La préservation de l’environnement est une vraie préoccupation dans l’enseignement agricole, y compris en filières générales. On en parle notamment lors des sorties. Il est fréquent qu’une classe du lycée parte passer quelques jours sur un territoire pour l’étudier sous différents angles : biologie du territoire, écosystèmes, économie, tourisme, agriculture… Ces observations sont ensuite réutilisées dans le cadre d’un projet. J’ai participé à l’étude d’un bassin versant. On a tous besoin d’eau, c’est une préoccupation commune. Après s’être rendu compte des problématiques sur le site, en classe, notamment en physique, nous avons essayé de comprendre. J’apprécie cette façon d’apprendre. Les enseignants ne sont pas là pour nous livrer un savoir tout fait mais pour nous permettre de réfléchir. En Seconde, j’étais inscrit en classe coopérative. Le programme reste le même mais l’approche est différente. Les travaux de groupe, le travail en autonomie, le théâtre qui favorise l’expression orale, y sont privilégiés. Les élèves ont organisé un débat avec les politiques sur l’aménagement du territoire où ils posaient eux-mêmes les questions, à leur façon. Nous sommes la génération future, nous ne pouvons pas passer ces questions d’aménagement, de respect de l’environnement, sous silence.
Voir aussi
« Printemps des transitions » : l'enseignement agricole mobilisé pour l'agriculture de demain
04 septembre 2024Enseignement & recherche