La sécurité alimentaire en Afrique du Nord à l'AG du CGAAER de juillet
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L’assemblée générale du CGAAER du 6 juillet dernier était consacrée à la sécurité alimentaire en Afrique du Nord.
La séance a été ouverte par le ministre Stéphane Travert en présence du secrétaire d’État à la production agricole de Tunisie, Omar Behi. Trois experts sont également intervenus : Hafez Ghanem, vice-président de la Banque mondiale pour la région Moyen Orient-Afrique du Nord, Pierre Blanc, enseignant-chercheur en géopolitique et Bertrand Schmitt de l’INRA.
La sécurité alimentaire est définie comme « la satisfaction des besoins alimentaires » avec quatre piliers : l'accès, la disponibilité, la qualité et la stabilité des prix de la nourriture.
Instabilité politique et sécurité alimentaire
Hafez Ghanem précise que la Banque mondiale a travaillé sur l’exclusion du marché du travail des jeunes diplômés, des femmes et des populations défavorisées dans la zone Moyen Orient-Afrique du Nord, pour compenser la baisse du rôle des États et la perte du contrat social dans cette zone.
Il préconise la mise en œuvre des mesures suivantes :
- projets de développement des zones défavorisées (Maroc vert, Ouest Tunisien),
- travail avec les réfugiés,
- reconstruction physique et institutionnelle,
- coopération régionale.
Enjeux agricoles et ruraux des printemps arabes
Pierre Blanc analyse les printemps arabes comme une singularité dans un monde arabe récalcitrant aux ouvertures politiques, caractérisé par une société patriarcale alliant des éléments culturels (islam et solidarité), économiques (rente pétrolière et/ou touristique) et géopolitiques (conflit palestinien utilisé comme dérivatif).
Il précise que l’Algérie, le Liban et Bahrein sont des exceptions à cette caractérisation.
Pour lui, l’émergence des mouvements révolutionnaires s’est nourrie grâce aux réseaux sociaux de l’autoritarisme d’État, du « mal développement », de la corruption et de l’absence de perspectives économiques.
Prenant l’exemple de la Syrie (où la gestion de l’eau est calamiteuse) et de l’Égypte (contre-réforme agraire conduisant à des paysans sans terre), il met en exergue le fait que les paysans sont assignés à résidence par défaut d'économie active (absence d’industrialisation).
Selon lui, la solution reposerait sur une participation active des communautés agricoles aux choix stratégiques de gestion de l’eau et à la transparence des marchés agricoles, et donc sur une organisation des agriculteurs.
Dépendance alimentaire de l’Afrique du Nord et du Moyen Orient
Bertrand Schmitt met en parallèle l’évolution démographique de cette zone (passée de 140 à 500 millions d'habitants en 50 ans), le changement des pratiques alimentaires (augmentation de la consommation de protéines animales) et les baisses de surface et de rendement agricoles (changement climatique). L’ensemble de ces facteurs a entrainé une augmentation de la dépendance alimentaire et des importations.
L’étude menée par l’INRA préconise plusieurs scénarios pour réduire cette dépendance aux importations :
- progrès techniques,
- régime alimentaire méditerranéen,
- réduction des pertes.
Ces scénarios n’ont malheureusement que peu de répercussions sur la diminution de la dépendance aux importations alors que la Turquie, pays voisin, à augmenter ses capacités d’exporter des produits agricoles pour répondre à cette demande.
La sécurité alimentaire en Tunisie
Omar Behi a présenté l’agriculture tunisienne en cinq chiffres clefs : 10 % du PIB, 16 % de l’emploi, 65 % de SAU, 10 % des importations et 9 % des exportations.
Il a rappelé que les politiques agricoles mises en œuvre depuis l’indépendance avaient toutes comme objectif des produits agricoles à bas prix et la paix sociale, avec la mise en place d’un organisme de régulation des prix (Caisse générale de compensation) permettant de donner accès à un pain à moins d’un centime d’euro.
La révolution a mis fin à ces politiques de subvention au consommateur en mettant en place les conditions de changement des modèles agricoles et agro-alimentaires à l’aide des outils suivants :
- subvention aux agriculteurs (investissements en ferme, remembrement foncier...),
- organisation des producteurs,
- fonds de garanties,
- développement de la recherche scientifique,
- innovation pour la production pluviale (non irriguée).
Cette assemblée générale s’est terminée par une table ronde, à laquelle participaient Frédéric Lambert (
/SEI), Hervé Guyomard (INRA), Stéphane Yrlès (groupe Avril) et Omar Behi.
Les points suivants ont été débattus :
- la France inclut toujours les questions agricoles dans les accords internationaux de libre échange ;
- l’absence de solutions sur la sécurité alimentaire dans cette région entraîne des problématiques migratoires qu’il convient de traiter ;
- le CIHEAM contribue à la résolution de ces problématiques à travers ses actions, notamment l’approvisionnement en blé du pourtour méditerranéen ;
- les projets de coopération institutionnels portés par ADECIA et FVI contribuent à cet effort français ;
- le développement des oléagineux dans cette région est une des réponses apportées par le groupe Avril dans cette zone ;
- l’impact du changement climatique dans cette zone devrait être mieux pris en compte par la classe politique de cette zone.
En conclusion, le débat a fait émerger les problématiques d’avenir suivantes : impact du changement climatique, mise en place et organisation de filières, place de l’agro-écologie, choix politiques stratégiques, nécessité de mise en œuvre de formations adaptées aux changements à venir et outils d’attractivité des investissements étrangers.