La gestion durable de la forêt publique, une stratégie française
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Les forêts couvrent 31% de notre territoire métropolitain, soit près de 17 millions d'hectares… et deux fois plus qu'en 1830 ! C'est l'Office national des forêts (ONF) qui a en charge la gestion des 17 000 forêts publiques françaises, représentant le quart de notre patrimoine. Pour préserver ce trésor vert, le faire vivre et l'aider à relever les défis de demain, comme le changement climatique, une stratégie de gestion durable a été mise en place. Présentation par Albert Maillet, directeur forêts et risques naturels à l'ONF.
En quoi consiste le concept de « gestion durable » des forêts ?
Il est simple à comprendre, moins à mettre en place ! L'objectif est de transmettre aux générations futures un patrimoine forestier au moins équivalent – en quantité et en qualité – à celui reçu de nos prédécesseurs. Voire, si possible, de l'améliorer... Et cela tout en exploitant économiquement ce patrimoine. Il ne s'agit pas de transmettre en conservant, mais de transmettre en valorisant.
Concrètement, quelles sont les actions menées pour y parvenir ?
L'idée générale est de conserver le capital existant de nos forêts en respectant deux grandes règles :
- ne pas couper plus que l'accroissement naturel des forêts ;
- remplacer les générations adultes d'arbres par des générations jeunes.
Cela nécessite tout un système de planification sur le long terme pour savoir quoi prélever, où et quand. Chacune des 17 000 forêts publiques françaises est dotée d'un plan de gestion d'une durée de 15 à 20 ans. Il établit les orientations, forêt par forêt, des actions à mener pour respecter ces règles dans la durée.
Plus concrètement, si l'on n'a pas la certitude de recréer une forêt adulte derrière celle que l'on veut couper, on ne la coupera pas ! En France, on plante peu. On privilégie la régénération naturelle qui consiste à accompagner l’ensemencement naturel par les graines tombées des arbres au sol. Lorsque l'on a au sol un tapis de jeunes pousses qui paraît suffisamment dense, on coupe alors les arbres au-dessus pour engager un nouveau cycle. Dans certains cas, on est obligé de recourir à la plantation artificielle : on coupe d'abord tous les grands arbres avant d’installer de jeunes plants élevés en pépinières.
Comment ces plans de gestion sont-ils établis ?
Pour faire ces opérations de planification, il faut parfaitement connaître la forêt dans laquelle on est. Traditionnellement, ce travail d'observation s'est toujours fait au sol avec des agents qui parcouraient le terrain, en lien avec l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN). Une méthode efficace mais qui nécessite beaucoup d'agents sur le terrain et atteint ses limites dans les zones peu accessibles, comme en montagne. Aujourd'hui, de nouvelles technologies – satellites, avions, drones – sont utilisées pour observer et suivre la forêt. Elles ont trois avantages :
- une accessibilité sans équivalent de n'importe quel site ;
- une superficie observée bien supérieure sur un temps donné ;
- une mise à jour des données beaucoup plus fréquente.
Ces technologies vont-elles un jour remplacer le travail des agents ?
Elles feront surtout évoluer ce travail d’une simple description vers une véritable analyse et interprétation qui feront appel à tout le savoir-faire forestier des agents. Le milieu forestier est complexe à décrire et, technologiquement parlant, les images de télédétection n'arrivent pas encore à égaler les observations d'un agent au sol. On est donc en train d'évoluer vers une situation mixte où la machine viendrait compléter l'action humaine. C'est déjà opérationnel et testé sur des surfaces prototypes.
Nos forêts sont-elles préparées au changement climatique ?
Sur ce sujet, on essaye d'anticiper au maximum, même s'il y a encore beaucoup d'incertitudes… Ce qui est sûr, c'est que le changement climatique va avoir des impacts directs et indirects sur nos forêts. Globalement, on cherche donc à les faire évoluer vers des écosystèmes qui soient plus résilients à des événements brutaux, types sécheresse, inondation, tempête, etc. Et cela passe notamment par une stratégie de diversification des espèces. On sait en effet que la résistance des écosystèmes végétaux – et forestiers en particulier – repose en partie sur le fait qu'ils ne soient pas trop homogènes. Nous testons aussi une autre stratégie : les « îlots d'avenir ». L'idée est de créer à l'intérieur des forêts les plus septentrionales de petites parcelles expérimentales dans lesquelles on fait migrer des espèces ou des provenances différentes venant d'une région située plus au sud. Nous verrons alors comment elles se comporteront demain si le climat devenait plus chaud et plus sec...
Existe-t-il d'autres sources de pression sur la forêt ?
Oui, il en existe principalement une deuxième. Depuis la fin des années 70, les populations de cervidés ont beaucoup augmenté dans les forêts françaises. Selon les régions, elles ont été multipliées par 4, 5 ou 10 ! Cette évolution, aussi rapide que massive, a entraîné par endroit de vraies difficultés, qui sont de deux ordres :
- en broutant toutes les jeunes pousses ou en écorçant les jeunes arbres, le gibier, quand il est trop nombreux, empêche la régénération et le renouvellement des forêts ;
- le gibier a tendance à manger les espèces que l'on souhaiterait garder au regard du changement climatique et laisse, de fait, une forêt plus à risque.
Contrairement au réchauffement climatique, le sujet est clair et les solutions sont connues. Mais il n'est pas simple de convaincre – les chasseurs comme le grand public – de la nécessité de ramener le niveau des populations de gibier à celui d’il y a 20 ou 30 ans. Il s'agit là davantage d'une question sociétale que technique.
Pourquoi est-il si important d'entretenir nos forêts ?
Pour survivre, la forêt n'a pas besoin d'intervention humaine. Mais une forêt qui fonctionne de manière entièrement naturelle, c'est une forêt peu accueillante pour le public. Dans une forêt naturelle, le renouvellement se fait d'une manière simple : lorsque les arbres adultes atteignent l'âge où ils sont mourants, ils finissent par tomber et pourrir. Ce sont dans ces trous de lumière que les jeunes pousses s'installent... dans un environnement très anarchique, peu adapté à la promenade et aux loisirs. Sans compter que, dans ce cas de figure, aucun bois n'a pu être exploité...
L'exploitation forestière concerne-t-elle toutes les forêts ?
Le principe général de la gestion forestière publique en France – qui n'est pas le modèle dominant dans le monde – est ce qu'on appelle une gestion multifonctionnelle. C'est-à-dire qu'on essaye de faire, à la fois et en même temps, dans toutes les forêts publiques gérées par l'ONF :
- de la production ;
- de l'accueil du public ;
- de la protection de la biodiversité ;
- de la protection contre les risques naturels.
La société a perdu cette vision de la forêt comme étant un espace productif. Et cela n'a pas empêché – et n'empêchera pas – nos forêts de continuer à croître en moyenne de plus de 50 000 hectares par an !
Concernant la biodiversité, quelles actions sont-elles mises en place ?
Une forêt, pour qu'elle soit en bonne santé, doit avoir un bon état de fonctionnement, qui repose notamment sur une biodiversité équilibrée. Par rapport à ce point, un certain nombre de mesures techniques sont mises en œuvre dans la gestion courante. Dans nos forêts, on laisse par ailleurs volontairement une trame d'îlots de « vieux bois » afin de conserver des espaces ressemblant à la forêt naturelle au sein même des secteurs exploités. Ces surfaces viennent s’ajouter, en les complétant, aux 20% de surfaces gérées par l’ONF dans lesquelles il n’y a déjà plus d’exploitation, car elle y est trop coûteuse.
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