28 mars 2022 Publication

Impact des scolytes sur le budget des communes forestières de l’Est de la France et adaptation au changement climatique

  • Patrick Dedinger

Le CGAAER et l’Inspection générale de l’administration ont été chargés d’évaluer l’impact de la crise des scolytes sur le budget des communes forestières de l’Est de la France, de proposer des mesures de soutien et d’adaptation de la gestion des forêts communales au changement climatique.

Bandeau de la lettre du CGAAER du mois de mars 2022

ONF Rapport de mission interministérielle de conseil n° 21023

Juin 2021

Mots-clés : scolyte, typographe, épicéa, forêt communale, communes forestières, budgets de fonctionnement, aides, changement climatique

Enjeux

La France compte environ 15 000 communes forestières dont près de la moitié se trouve dans l’Est de la France.

Une épidémie de scolytes (insectes ravageurs) frappe depuis 2018 les peuplements d’épicéas de l’Est de la France sous l’effet des sécheresses subies. Elle a un impact sur le budget de fonctionnement des communes forestières dont certaines peuvent tirer des recettes importantes des ventes de coupes de bois. Si l’impact global est pour l’instant encore limité, il peut s’avérer localement significatif.

La baisse de recettes résulte soit de la perte de valeur marchande des bois coupés pour raison sanitaire, soit de la rétention de coupes de bois pour faciliter l’écoulement des bois attaqués par les scolytes.

Les communes les plus impactées subissent non seulement des pertes de recettes mais aussi une diminution de leur patrimoine forestier. Ces communes doivent décider du repeuplement, ou non, de leurs parcelles dévastées dans le cadre du plan de relance, au calendrier serré, et dans le contexte de plus long terme du changement climatique.

Le CGAAER et l’IGA ont été chargés d’évaluer l’impact de la crise des scolytes sur le budget des communes forestières concernées, et de proposer des mesures de soutien et d’adaptation de la gestion des forêts communales au changement climatique.

Méthodologie

La mission interministérielle était composée de Sylvie Escande-Vilbois (IGA) et de Patrick Dedinger (CGAAER).

Elle a procédé à des auditions d’administrations et fédérations d’élus ou professionnelles aux niveaux national et local. Dans le contexte de la crise du Covid-19, des visioconférences ont été organisées par les préfets des départements du Doubs, du Jura, des Vosges, de la Meuse et de la Haute-Marne.

La mission s’est également appuyée sur l’expertise de l’ONF et de la DGAL (Département de la santé des forêts), sur les informations transmises par la DGCL, ainsi que sur les travaux déjà engagés localement dans des observatoires dédiés. Les données recueillies ont permis de déterminer les communes dont le budget de fonctionnement a été affecté par la crise des scolytes et de calculer l’enveloppe nécessaire si un soutien spécifique devait être décidé.

Résumé

Pour de nombreuses communes, les recettes de ventes de coupes de bois sont régulières et représentent une part importante de leurs recettes de fonctionnement. La dépendance aux recettes forestières est en général d’autant plus grande que les communes ont un faible nombre d’habitants.

Depuis 2018, des épisodes de sécheresse ont affaibli les arbres et favorisé le développement d’insectes ravageurs dans l’Est de la France, dont les scolytes qui s’attaquent aux peuplements d’épicéas et, dans une moindre mesure, de sapins. L’épidémie de scolytes se manifeste essentiellement dans les peuplements d’épicéas à une altitude inférieure à 800 m.

Les 7 280 communes forestières de l’Est possèdent 35 % de la forêt de la région et 56 % de la forêt communale de métropole. 5,2 % du couvert forestier communal en sapin-épicéa des 21 départements de la région se situent à une altitude inférieure à 800 m.

Plus de 800 communes ont au moins 10 % de leur forêt en épicéas plantés à faible altitude et environ la moitié d’entre elles sont déjà touchées par les scolytes. Parmi ces dernières, une trentaine de communes avaient en 2020 un taux de dépendance aux recettes forestières supérieur à 10 % et une épargne nette négative. En 2020, les recettes forestières des communes de l’Est ont baissé à 167,2 millions d’euros. 4 275 communes ont connu une baisse d’au moins 10 %, 3 653 d’au moins 25 % et 2 688 d’au moins 50 %.

La mission considère qu’en 2020 une trentaine de communes se trouvent en difficulté financière du fait de la crise des scolytes et pourraient bénéficier d’un soutien spécifique. Elle propose que l’évaluation de la situation soit actualisée au cours des trois exercices budgétaires à venir.

La mission a envisagé l’hypothèse d’une disparition complète, au terme de quelques années, des forêts d’épicéas en dessous de 800 m sous l’effet des scolytes et du changement climatique. Elle en a tiré les conséquences sur le niveau et la durée du soutien à apporter aux communes.

Le changement climatique va, à l’horizon 2050-2070, réduire drastiquement l’aire de plantation de l’épicéa et du sapin dans l’Est de la France. La mise en œuvre de stratégies d’adaptation de la gestion de la forêt communale est donc dès à présent indispensable.

La mission préconise le maintien et l’amplification des dispositifs d’accompagnement de l’État (mesures d’urgence et volet forestier du plan de relance), l’association des collectivités territoriales dont certaines ont déjà pris des initiatives complémentaires de celles de l’État, l’apport des financements extérieurs prévus par le Label bas-carbone grâce à une incitation fiscale à créer, la relance des pistes de mutualisation et la révision plus fréquente des plans de gestion forestière des communes.

Enfin, la mission propose l’harmonisation des systèmes d’information locaux de l’ONF et le développement d’un suivi national de la situation des forêts communales. Elle recommande également la pérennisation des observatoires régionaux et départementaux, instances de diagnostic et de concertation mises en place à l’occasion de la crise des scolytes.

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