Évolution du revenu agricole en France depuis 30 ans
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Sur la base d’une analyse rétrospective de l’évolution des revenus agricoles depuis 1990 et des différentes catégories de déterminants jusqu’en 2030, le CGAAER donne une vision d’ensemble et souligne les tendances structurelles, marquées notamment par la très forte hétérogénéité des résultats d’une exploitation à l’autre, et identifie de nombreux défis pour l’avenir.
Rapport de mission de conseil et d’expertise n° 21040
Avril 2022
Enjeux :
Le maintien d’un tissu agricole diversifié et d’exploitations à taille humaine est souhaité par une large majorité d’acteurs du débat public en France. Cet objectif est à mettre en relation avec la relocalisation de l’alimentation, la souveraineté alimentaire et l’évolution du modèle agricole vers plus de qualité et de durabilité. Dans cette perspective, le renouvellement des générations d’agriculteurs est à assurer, ce qui suppose notamment que les niveaux de revenus et les conditions de travail contribuent à l’attractivité du métier d’agriculteur.
Or, depuis 30 ans, le revenu net de la branche agricole (RNBA) a significativement baissé en France. Mais la diminution proportionnellement plus forte du nombre d’exploitations agricoles a permis un progrès du RNBA par exploitation, en euros constants.
Sur la base de ce constat, une mission du CGAAER a été chargée d’évaluer la marge de manœuvre dont disposent les pouvoirs publics pour préserver le revenu moyen des agriculteurs à effectifs constants d’exploitations ou d’actifs agricoles.
Méthodologie :
L’analyse de la mission a été conduite à plusieurs niveaux :
- macroéconomique, par une approche globale du revenu agricole en relation avec l’ensemble des paramètres constitutifs : productions agricoles et consommations intermédiaires en volume et en valeur (en prix courants et constants), subventions et développement de nouvelles activités (en particulier la production d’énergies renouvelables), évolution de la structure démographique du secteur, utilisations des revenus (prélèvements privés, investissements, patrimoine) ;
- par catégories d’exploitations : orientations technico-économiques, tailles, systèmes de production et autres critères pertinents pour approcher la diversité des situations et aller au-delà des moyennes.
Enfin, la mission a étudié le positionnement de l’agriculture par rapport à d’autres catégories sociales en France et par rapport à d’autres pays de l’Union européenne.
La mission s’est appuyée sur la documentation disponible, en particulier la dernière édition des comptes de l’agriculture de la Nation, des résultats du Réseau d’information comptable agricole (RICA) et des analyses de l’INSEE ou de scientifiques d’INRAE et d’autres établissements. Elle a complété ces données par des auditionsd’experts et les réflexions issues du Varenne de l'eau et de l'adaptation au changement climatique et d’autres travaux menés par le CGAAER.
Résumé :
En 30 ans, le RNBA a baissé de près de 40 % en France en euros constants. Dans le même temps, le nombre d’exploitations agricoles a diminué de 60 % avec des évolutions importantes des structures juridiques. Cependant, l’évolution démographique a permis un accroissement du résultat net par actif agricole non salarié (UTANS), mais de fortes fluctuations ont été enregistrées au cours des dix dernières années. Sur la base du RICA des trois dernières décennies, l’excédent brut d’exploitation par UTANS a augmenté de 35 % alors que le revenu disponible par UTANS a été structurellement stable, en euros constants.
Ces moyennes, cachent une très forte hétérogénéité des revenus agricoles suivant les catégories d’exploitations, en particulier en termes d’orientations technico-économiques, de taille et de circuits de commercialisation. Cette hétérogénéité est tout autant observée entre exploitations d’une même catégorie.
Pour l’avenir, outre les niveaux d’aides publiques, les revenus des exploitations agricoles sont dépendants des marchés de produits agricoles et des intrants, ainsi que de la productivité des facteurs de production alors que les aléas climatiques et sanitaires sont croissants. Ceux-ci obligent les agriculteurs à faire évoluer leurs systèmes et pratiques d’exploitation et à faire face à une hausse des coûts de production, accentuée par l’impact de l’élévation des normes pour répondre aux attentes sociétales dans les domaines de l’environnement et du bien-être animal.
Deux premières recommandations de la mission visent à approfondir les analyses et les débats sur les revenus agricoles en prenant plus en compte la diversité des systèmes de production et de commercialisation.
Les deux suivantes soulignent la nécessité de renforcer les compétences des agriculteurs, dans un contexte très exigeant pour eux, par le développement du conseil stratégique et une évolution substantielle des modes de diffusion des connaissances (en s’appuyant notamment sur le PIA 4).
La cinquième recommandation concerne le marché et invite à explorer, au moins pour la PAC d’après 2027, les possibilités de régulation des marchés.
La sixième recommandation vise à assurer des cohérences d’ensemble au plan régional où tous les facteurs peuvent être pris en compte, qu’ils résultent de décisions européennes, nationales ou régionales et locales.
Enfin, la septième recommandation se rapporte aux perspectives de diversification des revenus avec la production d’énergies renouvelables, en insistant sur la nécessité de mettre à la disposition des agriculteurs des informations complètes et actualisées sur les conditions de réalisation et l’impact escompté sur les revenus.