En Hongrie, l'agroforesterie pour lutter contre la sécheresse
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Le réchauffement climatique a de réelles conséquences qui n’épargnent pas l’Europe. En Hongrie, La sécheresse touche particulièrement le bassin des Carpates. Tout est mis en œuvre pour optimiser la ressource en eau sans détruire les sols grâce aux techniques de l'agroforesterie. Le docteur Professeur Csaba Gyuricza, directeur du centre national de l’innovation et de la recherche agricole (l'équivalent de l’Inra en France) explique la démarche.
Quel est le rôle du centre national de l’innovation et de la recherche agricole ?
Nous nous occupons de différents domaines, de l’agriculture à l’élevage, en passant par l’horticulture ou l’agroforesterie. Notre organisme compte 1 300 salariés dont 13 services. Les débouchés sont assurés pour les technologies que nous développons. 4 sociétés s’emploient à commercialiser les technologies que l’on met au point.
Le climat que nous avons actuellement en Hongrie est comparable à celui de la Bulgarie dans les années 60 : les technologies utilisées il y a encore peu de temps ne le sont plus. Notre mission consiste donc à élaborer des solutions adaptées à la situation actuelle. Il nous faut pour cela aider les agriculteurs à les mettre en oeuvre. Des cultures qui n’étaient pas présentes auparavant, et que nul aurait imaginé planter, comme la figue ou le kiwi, se sont considérablement développées.
L’agro-écologie est-elle un thème de recherche ?
C’est un secteur phare. Nous travaillons avec l’Inra dans chacun de ces domaines. Nous partageons des programmes européens communs. Nous sommes d’ailleurs d’accord pour dire que si nous voulons examiner en temps réel les conditions naturelles qui nous attendent, nous devons nous rendre en Afrique du nord pour étudier les conditions que nous aurons à affronter plus tard en Europe.
Avez-vous des exemples d’adaptation pour lutter contre le réchauffement climatique ?
Il y a la question de la sélection des plantes qui doivent s’adapter à ces nouvelles conditions climatiques. Nous devons rechercher les meilleures sélections qui seront capables de résister. Les techniques de travail du sol sont aussi en pleine évolution. Il faut éviter que l’eau présente dans le sol ne s’évapore ou qu’elle ne soit captée à mauvais escient. Nous devons adapter les pratiques culturales pour éviter tout gaspillage de la ressource en eau. La Hongrie, qui était un des plus gros producteurs de framboises (à hauteur de 50 000 hectares environ), a ramené sa production à 50 hectares en seulement 20 ans. Si la pénurie de main d’œuvre est en partie responsable de cette chute de la production, c’est surtout le changement climatique qui est la cause de cette disparition. Les systèmes adaptés pour créer de l’ombre sont devenus quasiment impossibles. Grâce à nos chercheurs, nous avons mis au point une espèce en mesure d’affronter ces changements, ce qui demande cependant du temps.
Avez-vous recours à l’agroforesterie pour faire de l’ombre aux framboisiers ?
Absolument, cette technologie d’ailleurs très en vogue en France est également utilisée chez nous en Hongrie. Nous travaillons avec la France à ce sujet, car c’est en effet une solution envisageable. Nous sommes en train de développer un programme commun dans ce domaine.
Dans quel autre domaine travaillez-vous également ?
Le changement climatique et l’agriculture de précision sont nos priorités de recherche. Il y a aussi 15 à 20% du sol peu productifs dont nous essayons d’améliorer le potentiel en ayant recours à l’agroforesterie, ou en recherchant des solutions durables.
Autrefois, la production de céréales était plus importante que le secteur de l’élevage, mais nous souhaitons rééquilibrer ces deux grands secteurs. La Hongrie produit des aliments pour 15 millions de personnes. Étant donné la superficie cultivable et l’évolution des technologies, nous serions en mesure de produire pour 23 millions de personnes à nourrir. C’est un défi auquel nous devons nous préparer. Il est pour nous essentiel d’assurer la formation au niveau secondaire et également les formations professionnelles. Nous allons complétement réorganiser l’enseignement secondaire. C’est important pour pallier les départs à la retraite de la majorité de nos producteurs.
L’autre grand défi est celui de la gestion de l’eau. Le recours à l’irrigation est devenu incontournable. En Hongrie, au milieu des années 70, plus de 320 000 hectares étaient irrigables. Aujourd’hui ce chiffre n’est plus que de 90 000 hectares. Il existe un programme national pour promouvoir l’irrigation et pour être en mesure de récupérer les anciennes capacités car c’est toujours plus facile de réhabiliter un système qui existait autrefois. On ne va irriguer qu’à partir des lots de surface et nous conformer à tous les règlements en matière de gestion de l’eau étant donné que nous sommes pas déficitaires en ce domaine. Nous aurons recours à des technologies de pointe, beaucoup plus économiques en eau. Après la France, la Hongrie reste le second producteur de maïs doux, une production qui doit être irriguée pour obtenir la qualité requise.
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