Consultation publique : projet d’arrêté autorisant provisoirement l’emploi de semences de betteraves sucrières traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant les substances actives imidaclopride ou thiamethoxam
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Contexte
Les betteraviers français ont été confrontés en 2020 à une crise inédite liée à la prolifération de pucerons, à la suite d’un hiver particulièrement doux et un printemps chaud et lumineux, qui a entraîné la propagation des virus de la jaunisse dans l’ensemble des régions productrices. Ces virus impactent la biologie de la betterave (photosynthèse) et empêchent son développement. La récolte de betteraves devrait ainsi être la plus faible en volume enregistrée en plus de trente ans. Le rendement betteravier moyen national était estimé début novembre à 65 t/ha soit une baisse de plus de 25%. Ces données nationales masquent par ailleurs l’hétérogénéité de la situation des planteurs de betterave, les pertes individuelles atteignant 75% pour les exploitations les plus touchées. Cette crise de la jaunisse fragilise ainsi l’ensemble du secteur sucrier et crée le risque d’un abandon massif de la betterave en 2021 par les agriculteurs au profit d’autres cultures. Or la France est le premier producteur de sucre européen. Le secteur concerne 46 000 emplois dont 25 000 agriculteurs et 21 sucreries.
La loi n° 2020-1578 du 14 décembre 2020 relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières constitue une réponse à cette grave crise traversée par la filière de la betterave sucrière.
Cette loi réaffirme le principe de l’interdiction d’utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou présentant des modes d’action identiques à ceux de ces substances, et des semences traitées avec ces produits.
Elle prévoit également la possibilité d’autoriser temporairement, de façon dérogatoire et suivant un cadre strict, l’utilisation de semences de betteraves sucrières traitées avec des produits contenant de telles substances.
Ainsi, jusqu’au 1er juillet 2023, il est possible d’autoriser de telles utilisations pour une durée maximale de 120 jours dans les conditions prévues à l’article 53 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. Cette autorisation prend la forme d’un arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture et de l’environnement.
Le conseil de surveillance, instauré par la loi du 14 décembre 2020, est chargé d’émettre un avis sur ces autorisations temporaires et d’assurer le suivi et l’évaluation de leurs conséquences, notamment sur l’environnement, et de leur incidence économique sur la situation de la filière.
Un plan national de recherche et d’innovation doté de 7 millions d’euros, pour un montant global supérieur à 20 M€ avec les co-financements de l'Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), de l’Institut technique de la betterave (ITB) et des semenciers, permettra également de coordonner un effort de recherche sans précédent focalisé sur la jaunisse de la betterave sucrière pour apporter des solutions opérationnelles aux agriculteurs d’ici 3 ans.
Le conseil de surveillance est également chargé du suivi de cette recherche d’alternatives et de l’état d’avancement du plan de prévention proposé par la filière de la betterave à sucre, en veillant à ce que soient prévues les modalités de déploiement des solutions alternatives existantes en conditions réelles d’exploitation.
Objectifs de l'arrêté
Le projet d’arrêté mis à la consultation du public autorise ainsi, au titre de la campagne 2021, pour une durée de 120 jours l’emploi de semences de betteraves sucrières traitées avec un produit phytopharmaceutique contenant la substance active imidaclopride ou thiamethoxam.
Il précise les conditions d’emploi desdites semences et est assorti de restrictions sur les cultures qui peuvent être implantées les années suivantes afin de réduire l’exposition des insectes pollinisateurs aux résidus éventuels de produits, conformément à l’avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail du 23 décembre 2020.
Selon les conditions prévues à l’article 53 du règlement précité, ces arrêtés seront pris en présence d’un danger qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens raisonnables.
Les données disponibles ont été analysées par Inrae, en lien avec l’ITB. Trois critères sont considérés comme déterminants pour évaluer le risque de pression phytosanitaire susceptible d’être rencontrée l’année prochaine :
- l’analyse des réservoirs viraux au cours de l’automne, qui démontre l’existence d’un réservoir significatif de virus auprès duquel les pucerons pourraient se charger en virus et ensuite infecter les cultures de betterave sucrière ;
- la présence de populations de pucerons au cours de l’automne, qui peut avoir une valeur prédictive pour le printemps selon les conditions de survie pendant l’hiver ;
- les prévisions climatiques saisonnières, initialisées au 1er décembre, qui permettent d’anticiper le climat jusque plusieurs mois à l’avance. Basées sur les températures moyennes en automne et en hiver, elles donnent une indication sur la capacité de survie des pucerons pendant l’hiver, et plus largement sur la persistance de l’ensemble de la chaine trophique intégrant pucerons et auxiliaires. De plus, elles informent sur la date d’occurrence des premiers vols de pucerons virulifères, les betteraves étant d’autant vulnérables que les pucerons sont précoces.
Une présentation de cette évaluation, basée sur les derniers éléments disponibles, est jointe à la présente note.
Compte-tenu de ces différents éléments et dans l’état des connaissances et des capacités actuelles de modélisation, l’Inrae conclut qu’il n’est pas possible d’écarter l’hypothèse que 2021 soit semblable à 2020, en matière de risques de virose sur la betterave sucrière en France.
Dans ces conditions et compte tenu des délais impartis, il convient d’anticiper et de préparer la prise d’un arrêté de dérogation. C’est l’objet de la présente consultation publique qui s’est déroulée durant trois semaines au mois de janvier 2021.
La période de consultation était ouverte du 4 au 25 janvier 2021.
Bilan de la consultation
Conformément à l'article 123-19-1 du Code de l'environnement, la consultation publique a été menée du 4 janvier 2021 au 25 janvier 2021. Elle a recueilli 48 266 contributions exploitables, dont la synthèse anonymisée, réalisée par le cabinet Opinion Way, est accessible via le lien en bas de page.
En outre, le Conseil de surveillance chargé du suivi et du contrôle de la recherche et de la mise en œuvre d'alternatives aux produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes, s'est réuni le 22 janvier 2021 et a débattu du projet d'arrêté soumis à son avis. Par 22 votes pour, 7 votes contre, 1 abstention, le Conseil de surveillance a rendu un avis favorable sur le projet d'arrêté autorisant provisoirement l'emploi de semences de betteraves sucrières traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant les substances actives imidaclopride ou thiamethoxam qui lui a été soumis.
Le document expliquant les motifs de la décision prise par l'autorité administrative : le ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation et le ministre de la Transition Ecologique, à l'issue de ces consultations est également accessible via le lien en bas de page.
L'arrêté sera prochainement publié au Journal Officiel.