Cartographie des jeux d'influence en matière d'élevage au niveau international
Partager la page
La consommation mondiale des produits de l’élevage augmente très fortement sous l’effet de la pression démographique et de l’augmentation des revenus. Une véritable « révolution de l’élevage » est en route qui met en cause les systèmes traditionnels d’élevage au profit de grands groupes industriels des Amériques…
Rapport de mission d’expertise n°14098 CGAAER
Cartographie des jeux d'influence en matière d'élevage au niveau international
Yves Berger, Hervé Lejeune, Jacques Teyssier d'Orfeuil
Juin 2015
Mots clés : Élevage, système d’élevage
Marché aux buffles en Inde
© http://www.courrierinternational.com/article/2014/06/24/l-inde-premier-exportateur-de-viande-de-buffle
Enjeux
Dans la « révolution de l’élevage » qui est engagée à l’échelle de la planète pour nourrir une population croissante et toujours plus consommatrice de produits carnés, les stratégies d’influence des États et des grandes entreprises internationales tendent à imposer des modèles de production et de consommation globalisés. Quels sont ces jeux d’influence ? La communauté internationale est-elle en mesure d’orienter cette « révolution de l’élevage » ? Une mission du CGAAER a été chargée d’explorer ces questions.
Méthodologie
La mission s’est déroulée de novembre 2014 à mai 2015. Elle a eu recours à trois approches complémentaires : l’audition d’acteurs français et étrangers, un travail documentaire et d’investigation très large, ainsi qu’une enquête conduite dans une vingtaine de pays parmi les principaux importateurs ou exportateurs de produits de l’élevage, avec l’appui du réseau des conseillers agricoles en poste à l’étranger.
Résumé
La mission a établi, de façon synthétique, une cartographie des initiatives d'influence aujourd’hui à l’œuvre à l’échelle internationale en matière d'élevage.
On peut distinguer trois types de « forums » où se rencontrent au niveau international les acteurs du secteur de l'élevage :
- les « Projets de consensus » qui sont conduits dans le cadre des organisations internationales et de certains de leurs États membres (FAO-Pays-Bas).
- les « Organismes professionnels internationaux » (Office international de la viande, International Dairy Fédération-IDF ou Fédération internationale du lait…) qui sont de création plus ancienne. Ils sont d’essence mixte (pouvoirs publics nationaux et acteurs privés) ou simplement professionnelle.
- les « Initiatives d'influence », proprement dites, bâties autour de stratégies de lobbying et qui regroupent principalement des acteurs privés (producteurs et industriels) et plus rarement des ONG (Organisation non gouvernementale).
Huit éléments clés ont été identifiés pour apprécier ces jeux d’influence :
1/ La croissance de la demande en produits issus de l’élevage (viandes, lait, oeufs et cuirs) est durablement très forte. C'est le principal moteur de la « révolution de l’élevage » qui met en cause les systèmes traditionnels de production.
2/ La « révolution de l’élevage » se réalise sans « guide suprême », en l’absence de gouvernance internationale et, le plus souvent, en l’absence de politiques nationales dans ce domaine.
3/ Pour répondre à la demande, la « révolution de l’élevage » est très rapide et prend de vitesse les tentatives de mise en place d’un consensus politique au niveau international.
4/ Le discours « anti-viande » ou « anti-élevage industriel » des organisations qui mènent ces combats a un impact global assez mitigé.
5/ Dans le secteur des viandes, les centres de pouvoir et d’influence se déplacent vers les Amériques (Canada, États-Unis et Brésil) avec un déclassement de la France et de l’Europe.
6/ Le rôle des grands acteurs mondiaux sur les marchés de l’élevage en pleine expansion n'est pas définitivement figé.
7/ L’Afrique, où vivra 20 % de la population mondiale en 2050, est en défaut de politiques agricoles opérationnelles et, a fortiori, de politiques en faveur de l’élevage.
8/ La recherche, ou plutôt les recherches, qui sont conduites en matière d’élevage dans le monde, contribuent peu à orienter la « révolution de l’élevage » au niveau international.